Home Finance pour les marchés, le long décrochage économique de la France est acté

pour les marchés, le long décrochage économique de la France est acté

0


Au lendemain de la présentation par le gouvernement de la loi de finances pour 2025, l’indice CAC40 n’a guère varié, enregistrant une hausse minime de 0,48 % dans la journée du vendredi 11 octobre, la Bourse de Paris étant fermée, comme toutes les autres, le week-end. De son côté, le fameux spread, autrement dit l’écart du taux auquel empruntent la France et l’Allemagne sur les marchés à un horizon de dix ans, a légèrement augmenté, de 1,75 %.

Rien de dramatique. Il semblerait donc que document officiel de 97 pages concocté par les hauts fonctionnaires de Bercy et dévoilé par la doublette de ministres chargée du sujet, Antoine Armand (Économie et Finances) et Laurent Saint-Martin (Budget et Comptes publics), n’a eu qu’un impact limité sur les principaux indicateurs de la fébrilité des marchés. Est-ce à dire que ceux-ci ne s’inquiètent pas ? Hélas, non. « Si les marchés n’ont pas bougé après l’annonce du budget 2025, c’est parce que les investisseurs avaient déjà intégré depuis des semaines la déviation importante de la trajectoire budgétaire française », analyse Christopher Dembik, économiste et conseiller en investissement chez Pictet AM.

À LIRE AUSSI Budget 2025 : pour Macron, la descente aux enfers De fait, le déclin relatif de notre pays a déjà été acté par ceux qui lui prêtent – et qui sont à 54,6 % des étrangers, selon l’Agence France Trésor – après la dissolution de juin dernier. « Le choc s’est produit dans la foulée des législatives, poursuit l’expert. Le spread avec l’Allemagne est alors progressivement passé de 50 à 80 points de base avant de s’établir entre 70 et 80 points de base. Ce n’est pas du tout satisfaisant car, pour rappel, en 2022, nous étions à 25 points de base d’écart, ce qui est normalement la zone de croisière. »

Ceux qui prêtent à la France ne croient plus en sa parole

Pire, poursuit Christopher Dembik, « depuis cet été, on constate aussi que l’Espagne et le Portugal empruntent à des taux plus bas que nous. L’écart se situe entre 5 et 10 points de base pour l’Espagne et autour de 15 points de base pour le Portugal. Or depuis leur entrée dans la zone euro, ces deux États n’avaient jamais emprunté à des taux plus bas que la France ».

À LIRE AUSSI Philippe Aghion : « En rabotant le budget de la recherche, le gouvernement envoie un très mauvais signal » Conséquence du dérapage budgétaire de l’Hexagone ? « Notre pays est passé de la deuxième signature de la zone euro à la quatrième en l’espace de seulement quelques mois. Et cela risque de durer, car les investisseurs en dette publique estiment désormais que les perspectives à dix ans de la France sont moins bonnes que celles du Portugal et de l’Espagne ». Il faut dire qu’en 2023 cette dernière, longtemps considérée comme étant à la traîne sur le plan économique, est parvenue à dégager un excédent, tandis que l’Hexagone affichait un déficit peu glorieux de 5,5 % du PIB.

Le doute sur la sincérité des prédictions de Bercy chez les investisseurs étrangers est maintenant réel. Il y a un vrai scepticisme sur la parole de la France.Christopher Dembik, économiste chez Pictet AM

Au fond, ce qui inquiète le plus les institutions qui prêtent à notre pays pour lui permettre d’assurer ses fins de mois, c’est surtout la fâcheuse tendance de son administration à ne pas tenir parole s’agissant de la trajectoire des finances publiques. « De nombreux investisseurs étrangers avec lesquels je me suis entretenu récemment ont été choqués par les dernières révisions des prévisions de Bercy, témoigne Christopher Dembik. Ils ne comprennent pas comment la France a pu prédire un objectif de déficit de 4,7 % pour parvenir à environ 6 % au final. Cette incohérence ne peut pas uniquement se justifier par une baisse des recettes fiscales. Aucun autre pays comparable ne s’est retrouvé dans une telle situation, hors choc externe. Le doute sur la sincérité des prédictions de Bercy chez les investisseurs étrangers est maintenant réel. Il y a un vrai scepticisme sur la parole de la France. »

Si les élus n’agissent pas, on se dirige vers une vraie cure d’austérité

Ce scepticisme vaut aussi pour la capacité de notre pays à véritablement réaliser les économies qu’il promet. Ce n’est pas bien étonnant : voilà des années qu’il présente à ses investisseurs et partenaires des objectifs qu’il ne tient jamais. Vendredi soir, l’agence de notation Fitch a certes maintenu la note souveraine de notre pays inchangée, à AA –, mais elle l’a placé sous perspective négative pour cette raison.

À LIRE AUSSI Pourquoi la réduction des dépenses publiques doit absolument passer par la réduction des dépenses de retraite « Nous ne nous attendons pas à ce que le gouvernement respecte ses prévisions révisées de déficit à moyen terme pour ramener le déficit en dessous de 3 % du PIB d’ici 2029 », peut-on lire dans le communiqué accompagnant la décision. Et, alors que le gouvernement s’est engagé à ramener le déficit public à 5 % du PIB dès 2025 puis sous les 3 % en 2029, l’agence Fitch n’y croit pas : elle a relevé ses prévisions de déficit public pour la France en 2025 et 2026 « à 5,4 % du PIB ».

Chez Pictet AM, Christopher Dembik est sur la même ligne que les analystes de Fitch. « Le budget qui vient d’être présenté ne rassure personne. Pour trois raisons. La première, c’est que les mesures d’économies qu’il propose risquent d’être détricotées par l’Assemblée nationale. La deuxième, c’est que de nombreuses pistes de baisses des dépenses semblent irréalistes : les collectivités vont tout faire pour ne pas voir leurs budgets réduits ; et 12 milliards d’euros d’effort ne sont pas documentés, ce qui n’est jamais bon signe. Troisièmement, il y a une grosse incertitude sur la durée de vie du gouvernement Barnier. »

À en croire ce spécialiste, il faut s’en inquiéter. « Début 2025, l’Agence France Trésor va devoir lever une somme record de 300 milliards d’euros. Nos prêteurs risquent d’exiger des taux encore plus élevés. Malheureusement, leur scénario principal est celui d’un long décrochage économique de la France. Le plus effrayant, c’est de constater à quel point nos élus n’ont pas pris la mesure du problème. S’ils ne font rien, ou pas assez, la France ira vers une véritable cure d’austérité. »


NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile