Home Finance pourquoi faut-il augmenter le taux d’emploi des séniors ?

pourquoi faut-il augmenter le taux d’emploi des séniors ?

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Passé un certain âge, les salariés disparaissent mystérieusement du monde du travail. Avec seulement 36,2 % des 60-64 ans en emploi, la France fait figure d’exception en Europe, où la moyenne se situe à 46,9 %. Conscient de cette faiblesse et malgré l’échec des négociations entre partenaires sociaux sur l’emploi des séniors, Emmanuel Macron poursuit l’objectif d’atteindre 65 % de taux d’emploi dans cette tranche d’âge d’ici à 2030.

« On a des marges de manœuvre importantes », euphémise l’économiste Alain Villemeur, directeur de la chaire universitaire « Transitions démographiques, transitions économiques », qui juge cet objectif « atteignable ». Il faut dire que les meilleurs élèves européens, à savoir l’Allemagne et la Suède, atteignent respectivement 72 % et 77 % de taux d’emploi chez les 55-64 ans, contre 56,9 % en France.

Si cet écart s’explique par l’âge de départ à la retraite, qui a longtemps été plus tôt que chez nos voisins, et la pratique de nombreuses entreprises françaises qui poussent les plus âgés vers la sortie quelques années avant l’âge légal, il y a urgence à redresser la barre. Rien de moins que la survie de notre modèle social en dépend, selon plusieurs économistes !

Jusqu’à 200 milliards de créationsau de richesses

« Une partie du déficit actuel est lié au financement de la protection sociale [14,4 % du PIB en 2022 était consacré au financement des retraites, NDLR]. Avec le vieillissement de la population, il est évident que ces déficits vont s’aggraver. Le maintien en emploi des séniors est un moyen de sauvegarder le modèle social français de l’État providence », estime l’économiste Alain Villemeur. « On a calculé que si on avait de 7 % à 8 % d’heures travaillées en plus, on n’aurait aucun problème de déséquilibre majeur sur le plan des finances publiques », abonde Jean-Hervé Lorenzi, économiste et également titulaire de la chaire « Transitions démographiques, transitions économiques ».

« Un sénior en emploi, c’est un double bénéfice pour l’État puisqu’il cotise à la protection sociale et on ne lui paie pas de retraite », rappelle Alain Villemeur. Il considère que si on parvenait dans 20 ans à atteindre le taux d’emploi des séniors allemands (72 %) et celui des 15-24 ans (actuellement à 33 % contre 50 % en Allemagne), cela représenterait 2 millions de personnes au travail en plus. « C’est 8 points de PIB et 200 milliards de créations de richesses supplémentaires, c’est quand même massif », calcule-t-il. À LIRE AUSSI Emploi des séniors : Bruno Le Maire en flagrant délit de « jeunisme »

Selon Alain Villemeur, entre 30 % et 40 % des travailleurs ayant dépassé la soixantaine se sentent usés par leur carrière, qu’ils ont souvent démarrée tôt, et ne s’imaginent pas pouvoir poursuivre. Les autres, de 60 % à 70 % des séniors donc, « ne partent pas pour des raisons de santé et pourraient très bien envisager de poursuivre dans leur emploi », estime l’économiste. Reste à savoir s’ils en ont envie et si les entreprises sont prêtes à les accueillir.

Un « congé d’exploration »

« C’est un sujet très profond : l’ensemble des entreprises considèrent qu’à partir de 55 ans on est moins qualifiés et, de l’autre côté, les gens veulent partir » parce qu’on ne leur offre pas de perspective, expose Jean-Hervé Lorenzi. Inadaptés aux nouvelles technologies, trop chers, difficiles à manager… Les idées reçues sur les séniors ont la vie dure. « Les entreprises doivent faire un effort pour que les séniors soient davantage satisfaits de leurs conditions de travail en proposant, par exemple, des horaires flexibles ou une retraite progressive », explique Alain Villemeur.

Ils proposent aussi la mise en place d’un « d’un congé d’exploration » à 50 ans qui pourrait durer jusqu’à un mois. Cette période de réflexion permettrait aux séniors de réfléchir à la suite de leur carrière – « qui pourrait encore durer une quinzaine d’années », insiste Jean-Hervé Lorenzi – et notamment aux possibilités de formation.

Aménager les fins de carrière des séniors, c’était tout l’enjeu de la négociation qui opposait les syndicats et les représentants du patronat. Dans la nuit de mardi à mercredi, après un dernier round de 48 heures de négociations, les partenaires sociaux ont pourtant échoué à se mettre d’accord.

Ils ont encore jusqu’à lundi pour signer l’avenant à la convention négociée à l’automne. « S’il ne devait pas y avoir d’accord sur l’assurance-chômage, là nous ferions ce qu’on appelle un décret de carence, c’est-à-dire que nous reprendrions (la main) parce que, par définition, il faut qu’au 1er juillet nous ayons un élément sur l’assurance-chômage », a prévenu, mercredi, la ministre du Travail, Catherine Vautrin. Cette reprise en main interviendrait à un moment critique alors que Gabriel Attal envisage de durcir encore les règles de l’assurance-chômage en diminuant notamment la durée d’indemnisation.


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