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Au Burundi, la répression de la société civile continue

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La répression de la société civile continue au Burundi, quatre ans après l’arrivée au pouvoir du président Evariste Ndayishimiye. C’est ce que montre un rapport d’Amnesty International, publié mercredi 21 août, qui relève de « lourdes restrictions » parmi lesquelles des « actes d’intimidation et de harcèlement », des « arrestations », des « placements en détention » et des « procès iniques ». Selon l’ONG de défense des droits humains, « le Burundi assiste à l’implacable répression visant des membres actuels et passés de la société civile ». Amnesty appelle à mettre fin aux représailles et aux restrictions qui pèsent sur certaines associations et médias.

Le Burundi reste profondément marqué par la crise politique de 2015, survenue alors que le président de l’époque, Pierre Nkurunziza, avait été réélu pour un troisième mandat en dépit de la Constitution. Les mouvements de contestation s’étaient heurtés à une vague de répression faisant plus d’un millier de morts et emprisonnant 8 000 personnes pour des motifs politiques, selon un bilan de la Fédération internationale pour les droits de l’Homme (FIDH). Plus de 200 000 Burundais, sur une population de 12,9 millions d’habitants) avaient fui le pays, tandis que de nombreuses figures de la société civile avaient été violemment intimidées, arrêtées, tuées ou portées disparues.

Après l’arrivée au pouvoir d’Evariste Ndayishimiye en juin 2020, deux défenseurs des droits humains et quatre journalistes arrêtés sous le régime de son prédécesseur avaient été libérés. Les restrictions qui pesaient sur plusieurs médias avaient également été levées. Cela avait permis à Radio Bonesha, Isanganiro TV, la BBC et plus tard au site d’information indépendant Iwacu de reprendre leurs activités.

Un espoir « affaibli »

Cette ouverture avait suscité un espoir qu’Amnesty considère, aujourd’hui, comme « affaibli » par la reprise d’arrestations et de poursuites judiciaires visant des figures de l’opposition, de la société civile ou encore des journalistes.

Pourtant, vendredi, la journaliste Floriane Irangabiye a quitté la prison de Bubanza, située dans le nord-ouest du Burundi. Elle avait été arrêtée deux ans plus tôt, visée pour son activité au sein de Radio Igicaniro, un média basé au Rwanda qui donne la parole à des voix dissidentes. Elle avait été condamnée à dix ans de prison et 1 million de francs burundais (environ 300 euros) pour « atteinte à l’intégrité du territoire national ». Mercredi, elle a bénéficié d’une grâce présidentielle permettant la « remise totale » de ses peines, selon le décret signé par le président burundais.

Son soulagement a été partagé par les associations, syndicats et organisations non gouvernementales (ONG), bien que, selon l’Union burundaise des journalistes (UBJ), elle « n’aurait jamais dû être condamnée en premier lieu, car elle n’a fait que son travail ». Le rapport d’Amnesty précise qu’elle aura passé un an dans « un environnement humide et enfumé », ce qui aurait « aggravé son asthme et gravement détérioré sa santé », avant d’être transférée de la prison de Muyinga à celle de Bubanza, dans l’ouest du pays.

Il s’agit d’un « geste positif mais insuffisant » aux yeux d’Armel Niyongere, avocat burundais en exil et président de l’antenne burundaise de l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT). S’il accueille « favorablement cette libération », le défenseur appelle à « des réformes pour garantir une justice indépendante et protéger les droits fondamentaux des citoyens, au-delà des gestes ponctuels ». Selon Amnesty, les « premières évolutions positives » du régime burundais ont laissé place aux « habituelles méthodes de répression ».

« Lapider ceux qui ont choisi le diable »

L’ONG rappelle les arrestations, dès le mois d’octobre 2020, de l’avocat Tony Germain Nkina, ancien membre d’une organisation de défense des droits humains, et de l’ex-député de l’opposition Fabien Banciryanino, tous deux libérés depuis. En février 2023, cinq défenseurs des droits humains ont été arrêtés alors qu’ils s’apprêtaient à participer à une réunion en Ouganda. Bien qu’ils soient libres aujourd’hui, trois d’entre eux ont été reconnus coupables de « rébellion » et le ministère public a fait appel.

Un autre motif d’arrestation a été invoqué à l’encontre de 24 personnes participant à un atelier organisé par une ONG en février 2023 : « l’homosexualité ». C’est un thème récurrent des prises de parole virulentes du chef de l’Etat burundais. Evariste Ndayishimiye avait ainsi appelé à « lapider » celles et ceux qu’il considère comme ayant « choisi le diable » en décembre 2023. Cinq personnes avaient finalement été condamnées pour « incitation à la débauche » puis libérées en février.

Dès sa libération, Floriane Irangabiye et Reporters sans frontières (RSF) ont appelé à libérer une autre journaliste burundaise détenue depuis avril, Sandra Muhoza. Elle a comparu pour « atteinte à la sécurité de l’Etat et aversion ethnique » à la suite de propos tenus dans un groupe WhatsApp.

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