A deux jours du référendum constitutionnel prévu samedi 16 novembre, la campagne bat son plein au Gabon : à Lambaréné comme à Libreville, les panneaux pour le « oui » dominent l’espace public, tandis que les opposants à la nouvelle loi fondamentale rédigée par le gouvernement de transition peinent à se faire entendre.
« Je vais voter “oui” parce qu’il faut qu’on avance. Cette Constitution, c’est donner des instructions aux futures générations pour qu’on aille de l’avant », affirme fièrement Bernard Mambenda, un retraité, à l’ombre d’un arrêt de bus de Lambarené, à quatre heures de route au sud de la capitale.
Ce référendum est une étape clé du retour au régime civil promis par les militaires après leur coup d’Etat en août 2023. Le nouvel homme fort du pays, le général Brice Oligui Nguema, a promis de rendre le pouvoir au terme d’une période de transition de deux ans, mais il ne cache pas son intention de remporter la présidentielle prévue en août 2025.
« On aimerait avoir plus de précisions »
Les premières affiches appelant à voter « oui » ont été placardées partout au lendemain du premier anniversaire du coup d’Etat, marqué par la mise en valeur des actions du nouveau pouvoir et de son chef.
Depuis le lancement officiel de la campagne il y a huit jours, nombreux sont ceux qui arborent tee-shirts et casquettes « Votons oui pour l’avenir du Gabon », massivement distribués par les soutiens au « oui ». « Le “oui” est partout dans la ville. Mais on aimerait avoir plus de précisions, pourquoi “oui” ? Certaines personnes pourraient vouloir voter “non” sans le savoir », déplore Neil Amédé Ngonga, un DJ lambarénéen de 25 ans.
« Beaucoup de gens sont moins renseignés sur ce qu’est un référendum. Il aurait fallu qu’ils viennent nous expliquer ça de manière simple », ajoute celui qui hésite à voter samedi, faute de renseignement sur les enjeux des 173 articles du texte publié il y a moins d’un mois.
La nouvelle loi fondamentale, fruit de contributions récoltées lors d’un dialogue national en avril, consacre entre autres un mandat de sept ans renouvelable une seule fois, avec un régime présidentiel doté d’un pouvoir exécutif fort, sans premier ministre, et l’impossibilité d’une transmission dynastique du pouvoir.
Une limite de deux mandats successifs
Son deuxième article grave dans le marbre l’accession au pouvoir de la junte menée par le général Oligui le 30 août 2023, avec l’instauration d’une « fête de la libération » pour marquer la chute de la dynastie Bongo après cinquante-cinq années de pouvoir.
L’article 170 exonère de poursuites et de condamnation « les acteurs des événements allant du 29 août 2023 à l’investiture du président de la transition », le 4 septembre. Plusieurs dispositions ne pourront faire l’objet d’aucune révision future. Parmi elles : la limite de deux mandats présidentiels successifs, le mode d’élection au suffrage universel direct ou encore le mariage réservé à deux individus de sexes opposés.
« C’est la première fois que notre génération vit un évènement tel que le référendum », s’enthousiasme Laeticia Carmella Diweckou, une fonctionnaire de 40 ans, trop jeune pour voter lors de l’unique référendum constitutionnel de l’histoire du Gabon depuis son indépendance, en 1995.
« Ces articles ont été proposés par nous, c’est la première fois dans notre Constitution qu’on demande aux Gabonais de faire le choix de ce qu’ils veulent pour leur avenir, je ne comprends pas les raisons de voter “non” », insiste, casquette « Votons oui » vissée sur la tête, celle qui fait activement campagne à Lambaréné.
« Non à la légalisation du coup d’Etat »
Samedi, Kévin Angoué, un étudiant en biotechnologie de 22 ans, ira, lui, voter « non », notamment pour éviter à ses enfants « de faire le service militaire », qui deviendra obligatoire si le texte est adopté.
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A Libreville, quelques petites affiches de la plateforme Ensemble pour le Gabon d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, dernier chef du gouvernement sous Ali Bongo (de janvier à août 2023), appellent à dire « non à la légalisation du coup d’Etat dans la Constitution, non à un mandat de sept ans [contre cinq ans depuis la révision constitutionnelle d’avril 2023] et non à un président-roi du Gabon ».
Environ 860 000 électeurs sont invités à se déplacer dans les 2 800 bureaux de vote du pays. Un budget de 27 milliards de francs CFA (plus de 41 millions d’euros) a été prévu pour l’organisation de la consultation dans le projet de loi de finances 2024.
Les autorités assurent avoir pris toutes les dispositions pour « garantir la plus grande transparence » pendant le vote, notamment en invitant des observateurs internationaux. Pour encourager la participation, le pouvoir a donné deux jours de congé à la population en amont du vote et autorisé les inscrits à changer de bureau de vote pour prévenir les possibles aléas liés aux transports et à la météo, en pleine petite saison des pluies.