Au Nigeria, la police a tiré des gaz lacrymogènes dans plusieurs villes, jeudi 1er août, pour disperser des manifestations contre la mauvaise gouvernance et la hausse du coût de la vie, ont constaté des journalistes de l’AFP. Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, traverse l’une de ses pires crises économiques depuis des années à la suite des réformes mises en place par le président Bola Ahmed Tinubu, arrivé au pouvoir en mai 2023. L’inflation des denrées alimentaires dépasse les 40 % et le prix de l’essence a triplé.
A Kano (nord), les manifestants ont tenté d’allumer des feux devant le bureau du gouverneur et la police a répliqué en faisant usage de gaz lacrymogène. A la périphérie d’Abuja, où se sont rassemblées des centaines de personnes, la police a également tiré des gaz lacrymogènes. Plusieurs centaines de manifestants ont par ailleurs défilé dans le quartier d’Ikeja, à Lagos, la capitale économique.
Les manifestations se déroulent sous haute sécurité, les autorités ayant prévenu ne pas vouloir voir se reproduire au Nigeria les récentes violences meurtrières au Kenya, où un projet de nouvelles taxes a mis le feu aux poudres. A Abuja, les forces de sécurité ont bloqué les routes menant à Eagle Square, l’un des lieux de protestation prévus, tandis que plusieurs centaines de manifestants se rassemblaient au stade national voisin avant de marcher vers la place.
Baptisé #EndbadGovernanceinNigeria (« mettre fin à la mauvaise gouvernance au Nigeria »), le mouvement de protestation s’est attiré de nombreux soutiens sur les réseaux sociaux. Les manifestants demandent à M. Tinubu de revenir sur certaines réformes, comme la suspension de la subvention au carburant, mais aussi de « mettre fin à la souffrance et à la faim » dans le pays. « La faim m’a poussé à manifester », commente Asamau Peace Adams, un manifestant de 24 ans, devant le stade national d’Abuja : « Tout cela est dû à la mauvaise gouvernance. »
A Kano, des groupes de manifestants ont commencé à vandaliser des panneaux de signalisation et tenter d’allumer des incendies, a constaté un journaliste de l’AFP. « Nous avons faim, même la police et l’armée ont faim », déclare Jite Omoze, 38 ans, un ouvrier travaillant dans une usine. « J’ai deux enfants et une femme, mais je ne peux plus les nourrir », ajoute-t-il, appelant le gouvernement à réduire les prix du carburant.
Hausse du salaire minimum
Les organisateurs de ces manifestations, une coalition informelle de groupes de la société civile, ont affirmé vouloir poursuivre leurs actions malgré des recours juridiques visant à limiter les rassemblements aux parcs publics et aux stades.
A la veille des manifestations, les représentants du gouvernement avaient appelé les jeunes à éviter les rassemblements et à laisser le temps aux réformes de porter leurs fruits. Le gouvernement a dressé mercredi la liste des aides qu’il a proposées pour atténuer les difficultés économiques, notamment l’augmentation du salaire minimum et la livraison de céréales dans les Etats du pays.
« Le gouvernement du président Tinubu reconnaît le droit de manifester pacifiquement, mais la circonspection et la vigilance doivent être nos mots d’ordre », a déclaré à la presse le secrétaire du gouvernement de la fédération, George Akume : « Nous appelons les Nigérians à poursuivre sur la voie de la paix, du dialogue et de la collaboration. »
La semaine dernière, l’armée nigériane a mis en garde contre toute reproduction des violences récentes au Kenya, théâtre de manifestations meurtrières qui ont forcé le gouvernement de William Ruto à retirer son projet de nouvelles taxes en juin. Au moins 50 personnes y ont été tuées, selon la Commission nationale kényane des droits humains.
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Le dernier grand mouvement de protestation au Nigeria a eu lieu en octobre 2020. Baptisé #EndSARS, il entendait mettre fin aux abus d’une brigade de police, la SARS, et s’est ensuite étendu à une contestation politique. Ce mouvement était parvenu à obtenir la dissolution de cette unité de police, mais les manifestations se sont terminées dans un bain de sang avec au moins dix manifestants tués, selon Amnesty International. Le gouvernement et l’armée ont nié toute responsabilité.