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Au Sénégal, le premier ministre relance le débat sur le foulard islamique en milieu scolaire

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Au pays de la « teranga » (« hospitalité », en wolof), le premier ministre Ousmane Sonko vient de relancer un débat sensible. Mardi 30 juillet, lors d’une cérémonie récompensant les meilleurs élèves du Sénégal, il a ravivé le sujet du port du foulard islamique en milieu scolaire francophone. Interpellé par la lauréate, elle-même voilée, sur la difficulté des étudiants arabisants à s’insérer dans le cursus classique, M. Sonko a prôné l’inclusion.

« Certaines choses ne peuvent plus être tolérées dans ce pays. En Europe, ils nous parlent constamment de leur modèle de vie, mais cela leur appartient. Au Sénégal, nous ne permettrons plus à certaines écoles d’interdire le port du voile », a déclaré le chef du gouvernement, avant de préciser : « Lorsqu’une enfant, parce qu’elle porte le voile, est interdite d’accès dans une école, je trouve que ce n’est pas bien, il faut que ces pratiques-là cessent. L’élève qui porte le foulard et celle qui n’en met pas doivent bénéficier des mêmes droits et être traitées sur un pied d’égalité. »

La déclaration, accueillie par une salve d’applaudissements au Grand Théâtre national de Dakar, a hérissé certains opposants et responsables catholiques, qui y ont vu une attaque contre leurs établissements. « Mon cher jeune politicien nouvellement promu ! », a ironisé l’abbé André Latyr Ndiaye, le curé de la paroisse de l’île de Gorée, dans une lettre publiée samedi : « Vous avez été élu pour le combat contre la vie chère, contre la pauvreté, contre le chômage des jeunes, mais pas pour le combat pour Dieu, le combat pour un signe religieux. » Le ton peu œcuménique de la missive a enflammé les réseaux sociaux et engendré des réactions en cascade.

« Il faut laisser aux écoles privées catholiques la liberté de faire leur travail, exhorte Philippe Abraham Birane Tine, président du Conseil national du laïcat (CNL), un regroupement d’associations et de mouvements catholiques, qui appelle au calme. Elles ont donné à ce pays ses meilleurs cadres, dont beaucoup de musulmans. Sur les 119 000 élèves inscrits, seuls 28 % sont de confession catholique. Cela prouve que les familles musulmanes nous font confiance. »

Cette polémique met en lumière les spécificités de la laïcité sénégalaise. Inscrite dans le préambule de la Constitution héritée de l’ancien colonisateur français, elle se distingue par la perméabilité entre les mondes politique et religieux. « Le Sénégal n’a jamais conçu sa laïcité à partir d’une séparation des affaires de l’Etat et du religieux, car l’ordre social n’est pas pensé en termes d’exclusion, mais d’inclusion, observe Ndèye Astou Ndiaye, enseignante en sciences politiques à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Ce modèle offre un espace aux religions, même sur le plan politique. Lors de la récente crise électorale, elles ont ainsi manifesté leur opposition au report de la présidentielle. »

L’affaire « Jeanne d’Arc »

Si la question suscite autant de passions, c’est aussi que le pays garde en tête l’affaire de l’Institution Sainte-Jeanne-d’Arc. En 2019, cette école privée catholique réputée de Dakar avait mis à l’écart, le jour de la rentrée, 24 élèves voilées. Créée en 1939 et placée sous la tutelle de la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, en France, l’institution avait fait valoir que son nouveau règlement intérieur obligeait les élèves à avoir « la tête découverte, aussi bien pour les filles que les garçons ».

Rarement depuis l’indépendance la coexistence pacifique religieuse avait été autant ébranlée dans un pays dont le premier président, Léopold Sédar Senghor (1960-1980), était issu de la minorité chrétienne (5 %), quand les musulmans représentent près de 95 % de la population. L’affaire « Jeanne d’Arc » s’était finalement refermée grâce à l’intervention des autorités et du Vatican. Les élèves écartées avaient pu être réintégrées avec un foulard « aux dimensions convenables fourni par l’établissement ».

Depuis cet incident, le mot d’ordre est à la tolérance du port du voile dans les écoles catholiques. « Le débat actuel n’a pas lieu d’être. Cela fait cinq ans que les écoles privées catholiques font preuve d’indulgence avec les élèves voilées », constate Cheikh Tidiane Sy, ancien président du Cadre unitaire de l’islam au Sénégal (Cudis), une organisation musulmane.

Dans l’entourage du premier ministre, on se dit surpris de l’ampleur des réactions. « Ousmane Sonko n’a pas pointé du doigt les écoles catholiques, répète Moustapha Guirassy, ministre de l’éducation nationale. Nous ne sommes pas dans un débat religieux, mais de conformité des règlements intérieurs des écoles avec notre Constitution. Imaginez des écoles coraniques qui refuseraient des élèves non voilées ou qui porteraient une croix ! Nous protégeons tous les élèves » Et de reconnaître ne pas avoir « connaissance de règlements intérieurs d’école interdisant le port du voile », même au sein des 18 établissements français du pays.

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Pourtant, dans une lettre confidentielle datée du 2 août et consultée par Le Monde, l’Office national de l’enseignement catholique (ODEC) demande aux directions des établissements de « mettre à jour leur règlement intérieur pour prévenir toute provocation et d’éventuels conflits sur la question du voile ».

Pour contourner ce sujet « très sensible », le directeur diocésain, l’abbé Georges Diouf, les appelle à interdire d’autres « comportements » jugés problématiques. « Sans parler de voile, le règlement intérieur devrait préciser ce que nous n’acceptons pas, comme le refus de : serrer la main d’un camarade du sexe opposé, faire de la gym dans une tenue de l’école, s’asseoir sur le même banc qu’un camarade du sexe opposé […] Tout cela constitue une entrave au vivre-ensemble », est-il énuméré.

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