Gombel (« puissant » en langue tigrinia) passe en boucle dans les cafés d’Asmara. Ce tube de l’été en Erythrée, enregistré dans la foulée du Tour de France 2024, chante les louanges de Biniam Girmay, maillot vert de meilleur sprinteur et triple vainqueur d’étape. Le gombel, c’est lui, le cycliste de 24 ans, révélation sur les routes de la Grande Boucle et idole nationale.
Le peuple érythréen n’attendait que ça. Le pays de la Corne de l’Afrique reclus sur lui-même est en mal de héros. « Bini » (son surnom) a vite endossé ce costume de gloire locale. A chacun de ses trois succès sur la plus prestigieuse des épreuves cyclistes, en juillet, les rues d’Asmara se sont enflammées : concert de klaxons, jeunes sur le toit des taxis jusque tard dans la nuit, photos de l’intéressé à la main et drapeaux vert-rouge-bleu sur le dos, chaloupant sur les rythmes de la musique tigrinia. Des scènes d’une rare ferveur dans une nation cadenassée par un implacable contrôle de la société.
Biniam Girmay, le premier cycliste noir africain à remporter une étape du Tour de France, roulera sous ses couleurs nationales, samedi 3 août, lors de la course en ligne des Jeux olympiques (JO) de Paris, sur un circuit qui correspond à ses qualités explosives de sprinteur-puncheur. Mais qu’importe son résultat aux JO, il sera reçu en messie à Asmara. Au vu du cortège de dizaines de milliers de personnes qui l’avait accueilli en 2022 après qu’il a levé les bras sur le Tour d’Italie, on a peine à se figurer l’ampleur de la réception que cette petite nation africaine, accro au vélo, concocte à son idole.
« Biniam, c’est notre roi, personne n’est aussi populaire que lui », s’enthousiasme un journaliste érythréen, qui ne souhaite pas être identifié. « A l’exception du président, évidemment ! », s’empresse-t-il de rectifier. En effet, la figure de l’autoritaire Isaias Afwerki, 78 ans, chef de l’Etat au pouvoir sans partage depuis 1993, est aussi incontournable qu’inattaquable en Erythrée. Lui faire de l’ombre est impensable.
« Un vrai gentil »
Cela tombe bien, Biniam Girmay et ses larges fossettes préfèrent la discrétion. Toute nouvelle superstar du sport africain qu’il est, le coureur n’en reste pas moins un jeune homme pudique. « C’est un gentil, un vrai gentil, dit de lui Jean-Jacques Henry, qui l’a entraîné pendant deux années au Centre mondial du cyclisme de l’Union cycliste internationale (UCI), en Suisse. Au point que je le trouvais même trop gentil cet été, sur le vélo, pendant le Tour de France. Il aurait pu jouer davantage des coudes et des épaules pendant les sprints. Il portait le maillot vert, ça doit imposer le respect aux autres gars. »
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