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En Libye, le maréchal Khalifa Haftar reprend ses mouvements de troupes et suscite l’inquiétude

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Photographié en uniforme militaire, lunettes de soleil et moustache impeccablement taillée, le portrait du maréchal Khalifa Haftar diffusé sur un panneau de l’aéroport de Benina, à Benghazi, la capitale de l’est de la Libye, est surmonté de quelques mots : « Les forces armées libyennes, protectrices de la patrie ».

Jeudi 8 août, ces forces armées libyennes, par la voix de leur commandeur général ont annoncé le lancement d’une vaste opération dans le sud-ouest du pays, dont l’objectif officiel est de « sécuriser les frontières », « renforcer la sécurité nationale du territoire et la stabilité dans ces zones vitales » et lutter contre « le trafic de drogue, le trafic d’êtres humains » et « l’activité croissante des groupes terroristes ». Elles ont en outre appelé les citoyens à « ne pas prêter attention aux rumeurs » qui circulent sur cette opération.

Depuis 2014, la Libye est divisée entre deux pouvoirs exécutifs : côté ouest, le « gouvernement d’union nationale » (GUN), reconnu par la communauté internationale et par les Nations unies, qui siège à Tripoli et tient son ancrage territorial d’une galaxie de groupes armés qui lui sont affiliés ; et côté est, son rival, le « gouvernement de stabilité nationale » (GSN), qui siège à Benghazi, sous le contrôle de l’ANL et de ses alliés.

L’apparition d’informations selon lesquelles des mouvements de troupes du maréchal Haftar seraient en cours vers Ghadamès et Ash Shwayrif, des villes liées à Tripoli, puis la publication de vidéos montrant une longue colonne de véhicules militaires (dont des pick-up montés de canons et des blindés légers) s’étirant à perte de vue le long d’une route au milieu du désert, ont ravivé les craintes que les troubles politiques de la Libye ne dégénèrent de nouveau en guerre civile.

Paramilitaires russes

Ghadamès et Ash Shwayrif présentent un fort intérêt pour Khalifa Haftar. La première, située dans l’extrême-ouest du pays, borde les frontières de la Tunisie et de l’Algérie et dispose d’un aéroport, élément logistique essentiel. La seconde, située à 400 km au sud de Tripoli, permettrait à l’ANL de compléter un long corridor allant du golfe de Syrte jusqu’à la frontière occidentale et, par la même occasion, de couper tout accès de la Tripolitaine vers le Fezzan (sud), réduisant le pouvoir du GUN alors même que son premier ministre, Abdel Hamid Dbeibah, est de plus en plus contesté. Surtout, cela permettrait à l’ANL de se rapprocher de Tripoli ainsi que de certains de ses alliés, comme les forces de Zinten.

En avril 2019, l’armée du maréchal Haftar avait déjà tenté de s’emparer de la capitale libyenne, usant de la force au cours d’une violente campagne soutenue militairement par la Russie, les Emirats arabes unis et l’Egypte. La tentative s’était soldée par un cuisant échec après l’intervention in extremis de la Turquie auprès des forces affiliées au GUN, avec notamment l’envoi de drones de combat qui avaient inversé la tendance sur le terrain. En octobre 2020, un accord de cessez-le-feu a été signé par les différentes parties et globalement respecté depuis, mais les mouvements de troupes de ces derniers jours menacent le statu quo.

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Khalifa Haftar, qui n’a pas renoncé à ses ambitions, a renforcé ses liens avec Moscou au cours des dernières années. Depuis 2019, les paramilitaires de l’ex-groupe de sécurité Wagner maintiennent une présence continue auprès des autorités de Benghazi, le vaste territoire libyen servant de plateforme logistique idéale vers les différents terrains d’implication russes au Sahel, notamment le Soudan, le Niger et, au-delà, le Mali et le Burkina Faso. Après la disparition de son chef historique, Evgueni Prigojine, en août 2023, et sa mise sous tutelle par le ministère russe de la défense, le groupe Wagner, rebaptisé Africa Corps, a augmenté ses effectifs en Libye jusqu’à 1 800 hommes, selon le collectif de chercheurs All Eyes on Wagner.

Mobilisation générale

En plus de cette nouvelle garnison, les visites à répétition du vice-ministre russe de la défense ont mené à la multiplication de livraisons d’armes depuis la base militaire de Tartous, en Syrie, jusqu’au port de Tobrouk, dans l’extrême-est libyen. Selon All Eyes on Wagner, cinq livraisons ont eu lieu en mars et avril, permettant l’acheminement de véhicules blindés de transport et d’armes telles que des mortiers.

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Début août, un cargo battant pavillon camerounais aurait aussi livré des camions militaires de la série Mustang, « connus pour leur polyvalence et leur adaptabilité à divers rôles militaires, y compris la logistique, l’artillerie, les systèmes antiaériens et la guerre électronique », précise Jalel Harchaoui, chercheur associé au Royal United Services Institute : « Leur déploiement en Libye pourrait renforcer les capacités opérationnelles des forces dans les territoires contrôlés par Haftar, y soutenant à la fois des scénarios de guerre urbaine et en terrain ouvert. »

Face au risque d’une attaque imminente, les autorités de l’Ouest ont demandé à « tous les membres de la Force d’opérations conjointes », sous son contrôle, de se présenter « immédiatement au quartier général avec toutes leurs fournitures et équipements ». La mobilisation générale a été également demandée par plusieurs groupes qui sont fidèles au GUN, comme les Forces nationales de soutien, qui ont appelé « tous les membres des unités de combat à rejoindre leurs unités de toute urgence ».

Le Haut Conseil d’Etat, basé à Tripoli, s’est dit inquiet des « mobilisations militaires des forces de Haftar dans le Sud-Ouest ces deux derniers jours, visant clairement à renforcer son influence et étendre son contrôle sur des zones stratégiques communes avec nos voisins ».

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