La première audience du procès des auteurs ou complices présumés de la très énigmatique « tentative de coup d’Etat » du 19 mai contre le régime de Félix Tshisekedi doit se tenir vendredi 7 juin dans l’enceinte de la prison militaire de Ndolo, devant le Tribunal de garnison de Kinshasa-Gombe. Selon un acte juridique publié par des médias congolais, 53 personnes sont poursuivies pour « attentat, terrorisme, détention illégale d’armes et de munitions de guerre, tentative d’assassinat, association de malfaiteurs, meurtre et financement du terrorisme ».
Au petit matin du 19 mai, un commando de plusieurs dizaines d’hommes équipés d’armes automatiques avait attaqué le domicile du ministre de l’économie, Vital Kamerhe (élu depuis président de l’Assemblée nationale), sans parvenir à l’atteindre physiquement. Ils avaient ensuite pénétré avec une facilité déconcertante – ouvrant la voie au doute sur d’éventuelles complicités – dans le palais de la Nation, un bâtiment présidentiel essentiellement protocolaire, à Kinshasa.
Là, sous l’œil des caméras de leurs propres téléphones qui diffusaient en direct sur les réseaux sociaux, ils avaient descendu le drapeau de la République démocratique du Congo (RDC) pour hisser à sa place celui du Zaïre, l’ancien nom du pays. On y voyait Christian Malanga, chef du commando, clamer : « Le temps est arrivé. Vive le Zaïre ! […] Félix est tombé […] Nous sommes vainqueurs. »
Une victoire aussi illusoire qu’éphémère. Dans des circonstances qui demeurent floues, les assaillants ont en effet été « neutralisés » quelques heures après le début de leur virée aventureuse. Au moins quatre personnes ont été tuées. Parmi elles, Christian Malanga, 41 ans. Congolais naturalisé américain, il se présentait comme « un homme d’affaires, philanthrope et ancien vétéran militaire congolais ». En 2017 à Bruxelles, ce personnage trouble s’était autoproclamé « président du nouveau Zaïre ».
Dans la foulée, les autorités ont annoncé qu’« une tentative de coup d’Etat » avait été « étouffée dans l’œuf », selon Sylvain Ekenge, porte-parole des Forces armées de RDC. Depuis, aucune précision n’a filtré qui permettrait de lever le voile sur cet événement et notamment sur les motivations des assaillants, peu nombreux et mal armés, qui s’en sont pris à des cibles secondaires si la déstabilisation de l’Etat était bien leur objectif. « Etrangement, le chef d’accusation d’“atteinte à la sûreté de l’Etat”, attendu dans le cas d’une tentative de coup d’Etat, n’a pas été retenu par le tribunal militaire », souligne Hervé Diakiese, avocat spécialiste des droits humains et porte-parole d’Ensemble, le parti de l’opposant Moïse Katumbi.
Trois Américains et un Belge
Autre élément troublant, l’extrême rapidité avec laquelle l’instruction a été bouclée, moins de trois semaines après les faits. « Les procédures de flagrance sont en effet traitées avec célérité, mais ces procédures sont tout de même tributaires de la gravité des faits », s’étonne Me Diakiese. En l’occurrence, un commando d’une quarantaine de personnes tirant sur le domicile d’un vice-premier ministre avant d’investir l’un des bâtiments chargés des plus lourds symboles de la république. Sans compter la présence dans ce groupe de ressortissants étrangers pouvant laisser supposer des ramifications et complicités en dehors de la RDC.
Parmi ceux interpellés sur-le-champ figureraient notamment, selon les autorités congolaises, « trois Américains ». Contacté par téléphone, Greg Porter, porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis à Kinshasa, dit « être au courant des informations selon lesquelles des citoyens américains pourraient avoir été impliqués dans les événements du 19 mai ». Sans toutefois en préciser le nombre. Quelques heures après l’attaque, sur son compte X, l’ambassadrice Lucy Tamplin avait assuré les autorités congolaises de « la coopération [américaine] dans toute la mesure du possible ».
Au moins un autre ressortissant étranger figure parmi les prévenus : Jean-Jacques Wondo, interpellé trois jours après les événements. Congolais disposant également de la nationalité belge, il vit avec sa femme et ses quatre enfants à Bruxelles. Spécialiste des questions de sécurité, il travaillait depuis février 2023 comme conseiller spécial pour la réforme de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Il avait été appelé à cette fonction par l’administrateur général de l’ANR, le colonel à la retraite Daniel Lusadisu Kiambi, auquel le président Tshisekedi avait confié la mission d’« humaniser » l’agence et de « fermer » ses cachots secrets.
Le 31 mai, Daniel Lusadisu Kiambi, ancien des Forces armées zaïroises et de la Division spéciale présidentielle (DSP, une unité d’élite créée par l’ancien président Mobutu Sese Seko), formé à l’Ecole royale militaire de Belgique tout comme Jean-Jacques Wondo, a été relevé de ses fonctions. Il n’a pas été précisé si cette décision était liée aux événements du 19 mai.
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Les proches de Jean-Jacques Wondo dénoncent « une arrestation arbitraire et un dossier en cours de fabrication ». « Il n’a aucun lien avec Christian Malanga, qu’il n’a rencontré brièvement qu’une fois en 2016 », explique, depuis Bruxelles, Joël Kandolo, beau-frère du prévenu et porte-parole de la famille : « La justice militaire a tout d’abord ressorti une photo où Jean-Jacques Wondo apparaît en 2016 au côté de Malanga. Maintenant, elle l’accuse d’avoir fourni un moyen de transport aux assaillants. Tout cela n’a aucun sens. »