« No pasaran ! [“ils ne passeront pas”] » A Toulouse, depuis le milieu des années 1980, ce slogan symbolise la lutte contre les idées d’extrême droite, qui ne parviennent pas à s’y installer. Le 9 juin, la liste portée par Jordan Bardella (Rassemblement national, RN) a obtenu 13,6 % des suffrages. Un record, cependant, pour une élection dans la Ville rose, depuis l’existence du Front national (FN), puis du RN. Car, comme dans la plupart des grandes villes (Paris, Lyon ou Bordeaux), le RN ne parvient pas à franchir ce fameux plafond de verre chez les électeurs toulousains.
Au pays du rugby, de l’aéronautique et du cassoulet, « la ville est surtout très marquée par la culture espagnole, celle des réfugiés de 1936 qui avaient créé ici leur gouvernement en exil. Le “No pasaran” vient de là, des mouvements antifascistes des années 1930 », commente Jean-François Mignard, président de la Ligue des droits de l’homme de Haute-Garonne. Cet ancien enseignant et formateur rappelle que, en 1984, dans le sillage des mouvances anarchistes, apparaissent les Sections carrément anti-Le Pen (Scalp) qui donneront naissance au Réseau No Pasaran. Issu de la mouvance autonome, le Scalp prône la confrontation physique avec les membres des partis ou groupes d’extrême droite. « A l’époque, notamment dans les facs, les conflits étaient réguliers et violents avec les groupes identitaires, comme le GUD [Groupe union défense] », se souvient M. Mignard.
En 2001, la liste Motivé-e-s, dans le sillage du groupe Zebda, entre au conseil municipal dans une mairie qui, après une longue période socialiste, est dirigée depuis 1971 par Pierre Baudis puis son fils Dominique dès 1983, de sensibilité centre droit. En 2002, après le premier tour de la présidentielle du 21 avril et l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour, les militants de Ras l’Front, créé à Paris en 1990, sont au côté de l’Union antifasciste toulousaine, pour dire « Non au Fhaine ».
Inquiétudes « dans les villes de la première couronne »
Depuis, lors des divers scrutins municipaux, le FN, puis le RN sont quasi invisibles dans la vie politique locale. Lors des municipales de 2014, Serge Laroze obtient 8,2 % des suffrages et, en 2020, Quentin Lamotte, sous l’étiquette RN, plafonne à 4,31 % des voix. Lors de l’élection présidentielle de 2022, Marine Le Pen ne dépasse pas les 10 %. Ville dynamique avec plus de 100 000 étudiants, portée par la très bonne santé de l’industrie aéronautique et spatiale, « Toulouse est une ville prospère mais pas un ghetto de riches », selon le maire actuel, Jean-Luc Moudenc, élu à trois reprises depuis 2004. Digne successeur de la famille Baudis, il a quitté Les Républicains (LR) en 2022, jugeant « un parti qui se rétrécit trop à droite ». M. Moudenc défend un bilan qui « a su intégrer des familles pauvres ou étrangères, avec des politiques de logement social très poussées, et une approche sécuritaire ferme ». « Le vote RN prospère chez les gens qui se sentent délaissés, toute [ma] politique consiste à construire une ville homogène, qui évite les tentations extrêmes », défend-il.
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