Avant la fin de la campagne officielle, vendredi à minuit, les représentants des trois principaux blocs politiques français ont débattu, jeudi 27 juin sur France 2. Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, venu représenter le Nouveau Front populaire (NFP), le premier ministre et candidat du camp présidentiel, Gabriel Attal, et le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, ont échangé pendant deux heures.
Gabriel Attal accuse le RN d’avoir investi « plus d’une centaine de candidats » ayant tenu « des propos racistes, antisémites et homophobes », Jordan Bardella nie
Dès le début du débat, Gabriel Attal a mis en avant « l’importance de l’exemplarité des politiques » pour mieux accuser Jordan Bardella de vouloir « stigmatiser 3 millions et demi de Français binationaux ». Le président du RN a confirmé lundi que les binationaux seraient exclus de certains postes publics.
Le premier ministre a déclaré que le parti d’extrême avait investi « plus d’une centaine de candidats, c’est-à-dire presque un sur cinq, pour lesquels on a trouvé des propos racistes, antisémites et homophobes », avant d’en débuter une liste sur le plateau – des exemples vérifiés par Le Monde. Des « mensonges », a dit, en réponse, Jordan Bardella à plusieurs reprises. Les deux hommes se sont interrompus pendant plus d’une minute sur ce sujet, lors d’une séquence parmi les plus cacophoniques du débat.
Olivier Faure défend une relance économique par la demande, Gabriel Attal estime que de fortes hausses de salaires coûteraient trop cher aux entreprises
Pour aider les petites et moyennes entreprises, Olivier Faure a plaidé pour une meilleure répartition des aides publiques au bénéfice de « ceux qui ont besoin de faire repartir la machine économique ». « Ce qui leur manque, c’est la consommation populaire », ajoute-t-il, défendant une relance économique par la demande.
Gabriel Attal soutient plutôt l’augmentation systématique des pensions de retraite et estime qu’une forte augmentation des salaires – le NFP souhaite passer le smic à 1 600 euros – n’est pas tenable pour les entreprises car cela augmenterait leurs charges et attaque le programme économique de ses adversaires : « On va baisser tous les taux de TVA, et comme par magie cela sera financé ? », ironise Gabriel Attal, qui répète, comme Emmanuel Macron, n’avoir aucune intention d’augmenter les impôts.
Olivier Faure, qui a accusé en retour Gabriel Attal d’avoir « vidé les caisses de l’Etat », dit « assumer » une hausse des impôts pour « les super-riches ». En revanche, poursuit-il, « je ne veux pas que les Français de la classe moyenne et des classes populaires paient plus d’impôts ».
Sur l’immigration, Jordan Bardella de nouveau critiqué sur la binationalité
Interrogé sur sa proposition d’exclure les binationaux de certains postes publics, Jordan Bardella accuse ses adversaires politiques de vouloir « jouer sur les peurs à quelques jours des élections » sur ce sujet, sur lequel il est beaucoup interrogé. « Je ne souhaite pas remettre en cause la double nationalité », assure-t-il, ajoutant que « le fait d’avoir une double nationalité pouvait poser problème et exigeait un renforcement des contrôles », par exemple dans les domaines du nucléaire ou de la sécurité nationale. Cette discrimination envers les binationaux aura pour conséquence, selon Olivier Faure, « qu’une partie d’entre eux ne seront jamais français ». « Vous allez en faire des étrangers, génération après génération », a accusé le patron du PS.
« On ne peut pas faire confiance à l’extrême droite s’agissant des droits des femmes », dit Gabriel Attal
Jordan Bardella se pose en défenseur des droits des femmes et assure vouloir « garantir à toutes les femmes de France leurs droits et leurs libertés ». Pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, il entend, là aussi, « durcir considérablement l’échelle des peines ». Le président du parti d’extrême droite a déclaré que « 75 % des violences qui sont commises contre les femmes dans la rue sont le fait d’étrangers ». Le président du RN explique ensuite qu’il souhaite « régler la question de l’immigration pour mieux protéger les femmes dans l’espace public ». Olivier Faure lui a rapidement répondu que « la réalité, c’est que neuf viols ou agressions sexuelles sur dix sont commis par un proche ».
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Après avoir rappelé les mesures mises en place par le gouvernement actuel – les Téléphones grave danger, les bracelets antirapprochement, la lutte contre les pensions alimentaires impayées –, Gabriel Attal a déclaré : « On ne peut pas faire confiance à l’extrême droite s’agissant des droits des femmes ».
Pour Gabriel Attal, le moratoire sur l’éolien souhaité par le RN va compliquer la fourniture d’énergie aux Français
Les débatteurs abordent rapidement le sujet de l’écologie. « Si on veut agir pour l’environnement, il faut favoriser le circuit court », déclare Jordan Bardella, pour que les denrées ne soient pas produites « à l’autre bout du monde » et consommées en France.
En matière d’énergie, il veut que le nucléaire soit la « pierre angulaire » du mix énergétique français. « J’aimerais que M. Bardella nous dise ce qu’il ferait des éoliennes », enchaîne Olivier Faure. Un « moratoire », répond le président du RN, « parce que je considère que l’éolien n’a pas une efficacité aussi bonne que peut avoir par exemple la conversion des centrales à charbon à la biomasse ».
Pour Gabriel Attal, « il faut tenir » l’accord de Paris de 2015, et pour ce faire investir dans les « énergies décarbonées ». Il estime que le moratoire sur les éoliennes voulu par M. Bardella va compliquer la fourniture d’énergie aux Français en attendant que de nouveaux réacteurs nucléaires sortent de terre. « Il faut investir dans tout, le nucléaire et les renouvelables », dit-il.
Olivier Faure, lui, estime qu’au Nouveau Front populaire, « nous sommes les seuls à proposer un changement de cap ». La dette du nucléaire pour les générations à venir est « irremboursable », estime-t-il, raison pour laquelle le NFP, explique-t-il, propose de mettre 30 milliards d’euros par an pour la transition écologique. La position du NFP, selon lui, est de conserver l’énergie atomique aussi longtemps qu’elle est nécessaire à la fourniture d’énergie des Français dans le respect de la souveraineté du pays.
Olivier Faure accuse Jordan Bardella de propager des préjugés « qui cherchent à faire un signe égal entre l’homophobie et l’islam »
Questionné sur la lutte contre l’homophobie, Gabriel Attal a d’abord témoigné de son vécu – « L’homophobie, je l’ai vécue, je la vis. La chance que j’ai, c’est que je suis très bien entouré. Je me suis blindé », a dit le premier ministre – avant de souhaiter une « République intraitable quand certains subissent des discriminations ». Le premier ministre a rappelé que l’ouverture de la protection médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes s’est décidée sous la présidence d’Emmanuel Macron, et que le RN s’y est opposé.
« Je veux remercier Gabriel Attal parce qu’il a été le Premier ministre à assumer son homosexualité et c’était un exemple pour toutes celles et ceux qui, évidemment aujourd’hui
la masquent, ont peur de l’avouer », a commenté Olivier Faure, dans l’un des rares moments de cordialité de la soirée entre les trois hommes. L’ex-député a ensuite déploré les récents propos du chef de l’Etat sur l’hypothèse de pouvoir déclarer un changement de genre en mairie, très mal perçus par les associations LGBT + et qu’il a associé au sujet de la transphobie. « Il y a des enfants, des jeunes, des moins jeunes qui souffrent dans leur chair parce qu’ils sont nés garçon ou fille, mais se sentent exactement l’inverse, souligne-t-il. J’aimerais qu’il n’y ait pas de Français qui soient considérés comme anormaux, comme ce fut le cas trop longtemps. » Dans les pays dirigés par l’extrême droite, « l’homophobie et la transphobie reviennent en force », pointe-t-il, donnant l’exemple de la Hongrie.
Quant à Jordan Bardella, il n’a pas directement abordé la question pour estimer que dans de nombreux quartiers en France, « il ne fait bon être ni juif, ni homosexuel, ni femme » parce qu’on, selon lui, a laissé venir en France « des gens qui rejettent toute forme de différence ». Olivier Faure l’a aussitôt attaqué en l’accusant de propager des préjugés qui « cherchent à faire un signe égal entre l’homophobie et l’islam ». « Si il n’y a plus d’homosexuels qui se tiennent la main en Seine-Saint-Denis aujourd’hui, c’est à cause de vos copains du Hamas, avec qui vous êtes alliés avec la France insoumise », s’est emporté Jordan Bardella. « C’est fini », les a coupé la journaliste Caroline Roux.