Home Politique « Emmanuel Macron restera-t-il comme le Gerhard Schröder français ? »

« Emmanuel Macron restera-t-il comme le Gerhard Schröder français ? »

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Le secret espoir de tous les chefs d’Etat, c’est que le regard de l’historien soit moins sévère que celui du journaliste. Quel jugement portera-t-on sur les années Macron dans vingt ans ? Le plus jeune président français restera-t-il comme le « Gerhard Schröder français » – celui d’avant la crise russe ? Ou comme le « Tony Blair hexagonal » – celui d’avant la guerre en Irak ?

En 2017, l’ancien conseiller de François Hollande aspirait sûrement à être ce réformateur social-démocrate version française, vingt ans après ses aînés. Auteurs du manifeste de la « troisième voie » en 1999, que Lionel Jospin avait refusé de signer, ceux-ci furent rétrospectivement crédités de beaux succès économiques.

Epoque oblige, Emmanuel Macron troqua le lexique de la deuxième gauche française pour les formules plus modernes d’émancipation ou de lutte contre les rentes. Mais la matrice du « dépassement » demeura : celle d’un socialisme de l’offre reposant sur une politique de compétitivité – réformes du marché du travail et des retraites, baisse des prélèvements et discours probusiness actant la réalité de la mondialisation. Abandonnant, au fil du temps, les marqueurs de gauche.

La question de son héritage est sans doute un peu précoce, mais partons du principe que les grands acquis du macronisme sont derrière nous plutôt que devant. Economiquement, le bilan est plutôt flatteur. Les chefs d’entreprise français et étrangers saluent volontiers les réformes successives du marché du travail. Le chômage de masse n’est de fait plus un sujet en France. L’apprentissage a retrouvé ses lettres de noblesse – certes, à grand renfort d’argent public. A croissance égale, l’Hexagone crée aujourd’hui plus d’emplois que par le passé. Les usines ont cessé de quitter le territoire, même si elles n’y reviennent pas encore. Le pays a échappé à la récession, quand l’Allemagne décroît. Et l’image de la France a changé.

Des idées surannées

Pour autant, le traitement de choc imaginé par Emmanuel Macron n’a rien de comparable avec celui infligé par le chancelier Gerhard Schröder à une Allemagne alors présentée comme « l’homme malade de l’Europe ». Brutales, les réformes Hartz – quatre lois entre 2003 et 2005 – divisèrent par trois la durée d’indemnisation de l’assurance-chômage, faisant basculer les chômeurs de longue durée dans le régime d’assistance, et créèrent les fameux « minijobs » payés quelques centaines d’euros, qui dopèrent les chiffres de l’emploi en même temps que la précarité et les inégalités.

Lire aussi (2013) : Article réservé à nos abonnés Dix ans après, l’Allemagne reste divisée sur les réformes Schröder

Quoique de philosophie comparable puisqu’elles font primer le retour au travail sur la qualité de l’emploi, les réformes françaises en sont une version atténuée, ce dont on peut sans doute se réjouir. La possibilité pour les entreprises de déroger aux accords de branche, présentée comme un facteur de succès outre-Rhin, a dans les faits été abandonnée après avoir été évoquée côté français. Et quand le chancelier Schröder sacrifiait vingt millions de retraités en gelant leurs pensions en 2003, appelant à la modération salariale dans les entreprises, Emmanuel Macron choisit, au contraire, de préserver un électorat de retraités qui lui est fidèle, indexant pensions, salaire minimum et prestations sociales.

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