Le sujet est devenu abrasif ces dernières semaines entre les deux camps qui s’opposent. Près de 32 000 personnes, dont 15 000 indépendantistes et 17 000 non-indépendantistes, ont manifesté samedi 12 avril à Nouméa, selon les forces de l’ordre, pour soutenir ou s’opposer à l’élargissement du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, en vue des prochaines élections provinciales.
Les manifestants des deux camps, pour et contre la réforme, se sont retrouvés à défiler dans le centre-ville, séparés par un « cordon sanitaire » mis en place par les forces de sécurité.
Le projet de loi constitutionnelle, visant à ouvrir le corps électoral aux personnes résidant sur le territoire depuis au moins dix ans, est en cours d’examen au Parlement. Il a ravivé ces derniers mois les tensions entre les partisans de l’indépendance et ses opposants. Après avoir été adopté en première lecture au Sénat le 2 avril, il doit être examiné par l’Assemblée nationale dans le courant du mois de mai.
Polarisation
D’un côté, dans une marée de drapeaux tricolores, les loyalistes ont défilé pour défendre le « dégel du corps électoral », montrer leur attachement à la France et défendre leur position favorable à l’ouverture du corps électoral. « Paris, entends-nous ! », a notamment scandé devant une foule essentiellement européenne Sonia Backès, présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie (Renaissance), ancienne secrétaire d’état du gouvernement Borne (2022-2023), et cheffe de file loyaliste, à l’initiative de cette mobilisation portée par le Rassemblement-Les Républicains (droite).
Le cortège a effectué une boucle au son de La Marseillaise et au rythme des slogans : « On est chez nous ! », « Pas de liberté sans démocratie ! La démocratie, c’est nous ! La France c’est nous ! », ou encore : « Fiers d’être Calédoniens, fiers d’être Français ! ». « Ce n’est pas une démarche contre le peuple kanak, mais ce n’est pas normal que nous n’ayons pas ce droit citoyen (…), pas les mêmes droits qu’ailleurs dans la République ! », a déclaré à l’Agence France-Presse Bertrand, manifestant de 67 ans installé depuis trois mois en Nouvelle-Calédonie. « Ici, c’est la France. On a voté trois fois non à l’indépendance », a ajouté Guillaume, 17 ans, résidant de Koumac, dans le nord de la Grande Terre.
Les indépendantistes ont de l’autre côté eux aussi organisé un vaste rassemblement, cette fois-ci pour s’opposer à la réforme portée par le gouvernement. « La paix est menacée, parce que l’Etat est sorti de son impartialité. Il a touché un tabou et il faut résister. Le dégel du corps électoral nous mène à la mort », a estimé Roch Wamytan, l’un des responsables de l’Union calédonienne, le principal parti indépendantiste membre de la coalition du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Dans le cortège, l’on pouvait également lire de nombreux appels à ne pas signer le « pacte pour le nickel » porté par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, pour soutenir la filière industrielle calédonienne.