Mercredi 3 juillet, la Russie, par la voix de son ministère des affaires étrangères, s’est publiquement mêlée des élections législatives en publiant sur son compte officiel X une photo de Marine Le Pen, triomphante à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), au soir du premier tour, près d’un pupitre « L’alternance commence ». Le cliché est assorti d’un message d’Andreï Nastasine, directeur adjoint du département de l’information et de la presse russe, lancé comme un défi au président Emmanuel Macron et aux forces pro-européennes. « Le peuple français recherche une politique étrangère souveraine qui serve ses intérêts nationaux et une rupture avec le diktat de Washington et de Bruxelles », peut-on lire. Le Kremlin considère que « les responsables français ne pourront ignorer ces profonds changements d’attitude de la grande majorité des citoyens ».
Le communiqué russe, qui signe le soutien de Moscou au Rassemblement national (RN) à cinq jours du second tour, reprend en fait le message que le Kremlin et ses divers relais, politiques ou médiatiques, font passer depuis des mois, sur fond de soutien occidental à l’Ukraine : présidents et gouvernements européens seraient réduits au rang de simples intermédiaires des volontés des Etats-Unis et de l’Union européenne.
La députée européenne Nathalie Loiseau (Renew), qui préside la sous-commission défense à Bruxelles, a bondi en lisant ces mots de Moscou. « Marine Le Pen peut continuer à prétendre qu’elle ne soutient pas Poutine [le président russe], mais Poutine, lui, ne cache pas son soutien au RN », fulmine-t-elle, après avoir croisé plusieurs responsables européens suspendus aux résultats de dimanche : l’ex-première ministre belge, Sophie Wilmès, le vice-président slovaque de la Commission européenne, Maros Sefcovic et l’ancienne ministre portugaise Margarida Marques, tous n’ont à la bouche que le risque russe d’une cohabitation avec le RN : « Mais alors, l’Ukraine ? Comment fera-t-on si la France n’est plus à bord ? », résume Mme Loiseau.
« Une convergence d’intérêts »
Les services français sont eux aussi en alerte. « Nous avons tous en tête le risque de collusion entre un gouvernement RN et la Russie », atteste un officiel, comme toutes les sources des milieux du renseignement interrogées. Si aucune campagne d’ingérence électorale d’origine étrangère n’a produit d’effets significatifs en France depuis la dissolution, un « bruit de fond permanent » est perceptible, selon un spécialiste, en soutien à des candidats du RN ou dénigrant la majorité sortante et les partis de gauche, émanant de comptes pro-russes ou de l’extrême droite américaine.
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