Quand j’ai pris la décision de revenir en France, en 2024, pour diriger l’Institut Pasteur, j’ai d’abord pensé à mon père, Aboubakr Belkaid, algérien, combattant de l’indépendance algérienne et militant de la démocratie. Pendant la décennie noire [1992-2002], alors que j’étais étudiante en thèse à l’Institut Pasteur, il paya de sa vie son engagement. Les idéaux de liberté, de tolérance et d’humanisme pour lesquels se battait mon père sont les mêmes principes universels qui ont été invoqués et défendus aux moments décisifs de l’histoire de France, et qui sont intimement liés à son identité.
Au moment de faire ce choix, la France m’apparaissait comme l’un des derniers refuges, voire l’un des derniers remparts contre le repli sur soi, la haine de l’autre et l’indifférence au sort des plus faibles. Un pays qui a refusé l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a opposé la rationalité scientifique aux contre-vérités sur le Covid-19 et qui a inscrit dans sa Constitution la liberté des femmes à recourir à l’IVG. Un pays qui, dans le champ scientifique, cultive l’excellence académique, le brassage des connaissances, l’idée que la science crée le progrès social, et que c’est même là sa vocation profonde. Aujourd’hui, ces principes qui ont défini la France, et qui font encore sa grandeur dans le monde, sont menacés.
Au cours de leur existence, le Rassemblement national (RN) et le Front national avant lui n’ont cessé d’attaquer les idéaux qui fondent notre identité collective. Ils s’en prennent à la vérité scientifique, en niant la réalité historique de la Shoah, en contestant l’ampleur du réchauffement climatique ou en accréditant l’idée que l’hydroxychloroquine guérirait du Covid-19.
Menace sans précédent
Ils combattent toutes les formes de diversité, en stigmatisant les étrangers et en proposant de restreindre leurs droits, mais aussi en s’opposant aux avancées pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ou les droits des minorités sexuelles et de genre. Ils portent atteinte à l’idéal d’humanisme, hérité des Lumières, que la France incarne pourtant parmi les nations, en remettant en question le droit d’asile, en refusant les prestations sociales à des personnes supposées « moins françaises » et en déniant les soins les plus élémentaires que prévoit l’aide médicale de l’Etat aux étrangers.
Pour la recherche scientifique, l’accession au pouvoir du RN représente une menace sans précédent. Ce serait, d’abord, un coup d’arrêt porté à la circulation internationale des étudiants, doctorants, postdoctorants et chercheurs, qui est une nécessité absolue pour la recherche et dont dépendent les découvertes scientifiques d’aujourd’hui et de demain.
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