A défaut d’être tranquillisés, les milieux patronaux espéraient au moins obtenir des clarifications. Mais le résultat n’a pas été à la hauteur de leurs attentes. Jeudi 20 juin, les organisations d’employeurs ont auditionné des responsables des principales forces politiques, en lice pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Deux interventions étaient particulièrement attendues : celle du nouveau Front populaire (NFP) et celle du Rassemblement national (RN), flanqué de ses alliés issus du parti Les Républicains (LR). Aux yeux de nombreux entrepreneurs, les programmes respectifs de ces coalitions constituent non seulement une menace pour leur activité mais recèlent, par-dessus le marché, de multiples zones d’ombre. Une sensation de flou qui, manifestement, subsistait à l’issue des grands oraux. « Je reste sur ma faim », a déclaré Patrick Martin, le président du Medef.
Durant plus de quatre heures et demie, les chefs de file de parti et un représentant du pouvoir en place – le ministre de l’économie, Bruno Le Maire – se sont succédé sur la scène de la salle Gaveau, à Paris, pour défendre le projet de leur camp face au gotha patronal. M. Martin, le maître de cérémonie, avait tenu à mettre un peu d’ambiance, juste avant l’ouverture des échanges, en fustigeant les intentions de l’extrême droite et de la gauche dans les colonnes du Figaro, paru le jour même : « Le programme du RN est dangereux pour l’économie française, la croissance et l’emploi. Celui du Nouveau Front populaire l’est tout autant, voire plus. »
Des « amabilités » que Jordan Bardella a appréciées, sourire aux lèvres et œil noir lancé au numéro un du Medef. « Ça fait toujours plaisir de se réveiller le matin en étant qualifié de danger par la personne qui vous invite une heure après pour dialoguer », a grincé le président du RN. Eric Coquerel, de La France Insoumise (LFI), a fait mine d’en avoir vu d’autres, lui : « C’est un grand classique. A chaque fois que la gauche va gouverner, le patron des patrons a des réactions [de ce type] », a-t-il rappelé, en trouvant même que la contre-attaque de M. Martin s’avérait « finalement assez timide par rapport à ce qui s’était passé en 1981 ou en 1997 ». Moqueur, le député sortant de Seine-Saint-Denis a remercié le leader du Medef pour avoir eu la « franchise » de dire que le projet du NFP « était pire que celui du Rassemblement national ».
Tâtonnements
De quoi ont peur les mouvements d’employeurs ? S’agissant de l’extrême droite, les premiers griefs mis en avant vont de la contestation des règles européennes à la baisse de la TVA sur les produits énergétiques en passant par la nationalisation des autoroutes. La gauche, elle, est très critiquée en particulier pour ses mesures en faveur des travailleurs : augmentation de 200 euros du smic mensuel net, revalorisation des salaires en fonction de l’inflation, etc. L’abrogation de la réforme de l’assurance-chômage et le rétablissement d’une forme d’impôt sur la fortune, qui sont portés par le NFP comme par le RN, indisposent aussi le patronat.
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