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« Avec la “dédiabolisation” du RN, c’est toute la rhétorique classique du champ culturel qui s’en trouve ébranlée »

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Parler ou se taire ? Afficher publiquement son opposition au Rassemblement national (RN) ou faire profil bas ? Depuis la victoire du parti d’extrême droite emmené par Jordan Bardella aux élections européennes du 9 juin et la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée dans la foulée par Emmanuel Macron, le monde de la culture balance entre ces deux injonctions. Renvoyé à la fois à sa responsabilité dans la situation politique actuelle et à son attitude face à l’arrivée possible du RN au pouvoir le 7 juillet.

Dans une tribune publiée dans Libération le 12 juin, Ariane Mnouchkine, la directrice du Théâtre du Soleil, résume parfaitement la situation : « Aujourd’hui, je ne suis pas certaine qu’une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive. Une partie de nos concitoyens en ont marre de nous : marre de notre impuissance, de nos peurs, de notre narcissisme, de notre sectarisme, de nos dénis. J’en suis là. Une réflexion très sombre, incertaine et mouvante. »

Les mots sont forts, l’autocritique sincère et courageuse sous la plume de cette grande figure engagée du théâtre français dont la colère s’adresse ici, chose rare, en premier lieu à elle-même et à ses pairs de la culture plutôt qu’à l’électorat du RN.

Parler mais pour dire quoi, alors que, depuis le 21 avril 2002 et l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle – on pourrait même remonter jusqu’au milieu des années 1980 –, la multiplication des prises de parole d’artistes, de tribunes publiées dans la presse, de pétitions, n’a jamais empêché, scrutin après scrutin, l’extrême droite de progresser ?

« Expliquer aux gens »

Parler du haut de son statut d’artiste mais avec le risque, souvent vérifié, de se voir renvoyé à une position de nanti déconnecté des « vrais » problèmes de la vie quotidienne des gens et d’alimenter le rejet d’une élite perçue comme donneuse de leçon et avant tout soucieuse de défendre son pré carré ? Avec la « dédiabolisation » du RN, c’est ainsi toute la rhétorique classique du champ culturel, déployée depuis des décennies pour tenter de dénoncer et de contrer sa montée en puissance, qui s’en trouve ébranlée.

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Depuis le 9 juin, les prises de parole publiques se font rares. Elles émanent de personnalités, de syndicats ou d’entreprises (Radio Nova par exemple), plus que de larges collectifs d’artistes beaucoup plus mobilisés sur les questions de société comme la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la culture. Sur Instagram, l’actrice Marion Cotillard s’affiche avec un badge « La jeunesse emmerde le front Nazional », référence à une vieille chanson des Bérurier Noir remise au goût du jour dans les manifestations.

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