Un observateur extérieur aurait pu lire, dans le relatif silence des pays du Pacifique Sud sur la situation en Nouvelle-Calédonie, une forme de détachement. Ceux qui pratiquent la région ont, au contraire, remarqué que les premières prises de paroles se sont faites au plus haut niveau, via les représentants des principales organisations régionales, et que chaque mot y a été soupesé pour dire l’immense attention que portent ces Etats insulaires à l’archipel et à la façon dont le France gère cette crise.
Premiers concernés, les voisins les plus proches de la Nouvelle-Calédonie, dont les populations, comme les Kanak, sont mélanésiennes. « Ces événements auraient pu être évités si le gouvernement français avait écouté et n’avait pas imposé le projet de loi constitutionnelle visant à dégeler les listes électorales, à modifier l’électorat des citoyens et à changer la répartition des sièges au Congrès », a regretté, mercredi 15 mai, le Groupe Fer de lance mélanésien (GFLM), une alliance régionale regroupant la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu, les Fidji, les Salomon et le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). Fondée en 1988 pour soutenir la volonté de décolonisation des peuples mélanésiens, elle a appelé Paris à accepter « la proposition du FLNKS d’établir une mission de dialogue et de médiation dirigée par une personnalité de haut rang mutuellement agréée » afin d’établir une « paix durable ». Vendredi 17 mai, à l’issue de quatre nuits d’émeutes, le bilan s’élevait à cinq morts.
Le GFLM, qui s’est rangé derrière les partisans de l’indépendance lors des trois référendums sur l’autodétermination – organisés en 2018, 2020 et 2021 dans le cadre des accords de Matignon (1988) puis de Nouméa (1998) suite à la quasi-guerre civile qui avait déchiré la Nouvelle-Calédonie entre 1984 et 1988 –, avait rejeté les résultats de la troisième consultation. Organisée en décembre 2021, elle avait été boycottée par les indépendantistes kanak qui avaient appelé à son report, en raison de leur impossibilité à organiser « une campagne équitable » dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. Marquée par une abstention record, elle s’était soldée par une victoire massive du camp du « non », qui avait remporté 96,49 % des voix exprimées.
Un manque de respect
Le refus des autorités françaises de différer ce scrutin avait surpris dans les Etats insulaires du Pacifique Sud, où les habitants sont très attachés au respect des pratiques ancestrales – y compris dans les archipels micronésiens et polynésiens traditionnellement moins proches du FLNKS. « Nous étions en plein milieu de la pandémie de Covid et la coutume kanak veut que lorsqu’une personne décède, on la pleure pendant un an (…). Ils ne voulaient pas participer au référendum parce qu’ils ne pouvaient pas aller à l’encontre de leur tradition et faire campagne », a encore rappelé, le 15 mai, Henry Puna, le secrétaire général du Forum des îles du Pacifique (FIP), une organisation de coopération régionale qui réunit tous les pays indépendants de l’Océanie, ainsi que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
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