Home Politique « Le pouvoir aurait tort de négliger les Eglises »

« Le pouvoir aurait tort de négliger les Eglises »

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Pour sortir du guêpier néo-calédonien, le pouvoir aurait tort de négliger le rôle de médiatrices que pourraient jouer les institutions ecclésiales. En 1988, le premier ministre Michel Rocard était suffisamment informé du contexte local et avait eu l’intelligence politique de jouer cette carte-là, parmi d’autres.

La « mission du dialogue » alors dépêchée sur place, et dont le travail de rencontre et d’écoute avec les parties prenantes du conflit avait conduit aux accords de Matignon, comprenait six membres, dont trois représentants des grandes familles spirituelles : le chanoine Paul Guiberteau, le pasteur Jacques Stewart et Roger Leray, grand maître du Grand Orient de France. Ce qui serait inconcevable en métropole s’imposait dans ce territoire du Pacifique.

Ce point tient à l’histoire spécifique de l’archipel néo-calédonien. Entre 1853 (date de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France) et 1903, la population autochtone est passée d’environ 100 000 à 10 000 : 90 % des Kanak ont disparu en cinquante ans, en raison des maladies importées, de la répression des révoltes et du désespoir d’un peuple vaincu qui ne faisait plus d’enfants, comme l’illustre l’ouvrage de Christophe Sand, Hécatombe océanienne (Au vent des îles, 376 pages, 33 euros), et celui de Frédéric Angleviel, La France aux antipodes (Vendémiaire, 2018).

La courbe démographique, en chute libre, ne s’est ressaisie que par l’action des missions [organisations ayant pour objectif d’évangéliser un territoire] protestantes et catholiques. Au-delà d’une espérance d’ordre spirituel, les missions chrétiennes ont joué un rôle décisif pour s’opposer à la spoliation foncière et à la conquête des droits civiques. Dans les années 1920, les dernières tribus païennes s’éteignirent, alors que les naissances se multipliaient dans les familles converties au christianisme. Aujourd’hui, la population kanak a retrouvé son niveau de 1853 : 110 000 habitants environ, selon le dernier recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques, en 2019.

Evangélisation

Si l’on s’arrête sur le cas du protestantisme en Nouvelle-Calédonie, il est remarquable de constater que l’évangélisation, comme dans l’ensemble du Pacifique, a d’abord été le fait des autochtones eux-mêmes. Depuis Tahiti, d’est en ouest, d’île en île, des Océaniens ont christianisé d’autres Océaniens, en mobilisant les réseaux coutumiers, qui reliaient les différents archipels de l’Océan. Ceci peut expliquer pourquoi l’Evangile n’a jamais été considéré comme un produit d’importation, mais a été intégré, au prix de certaines formes de syncrétisme, aux cultures locales.

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