Le RN à la conquête du vote des seniors, son « plafond en béton armé »

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Un alignement de longues tablées pour un « repas succulent » précédé d’un après-midi dansant : le 8 octobre 2023, les seniors de Stiring-Wendel (Moselle) avaient banquet. Papillonnant entre les chaises en plastique, un trentenaire bien mis, barbichette taillée et raie sur le côté, qui pourrait être leur petit-fils mais se trouve député. Il porte une cravate rose comme les serviettes en papier et arbore un sourire rassurant. « Quand j’arrive dans une salle, ça casse un peu le mythe. Moi fasciste, ça ne colle pas avec ma gueule, avec mon comportement, donc les gens changent d’avis. »

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Kévin Pfeffer est député Rassemblement national (RN) de Moselle et assure « faire un carton chez les anciens », lui qui, dix ans plus tôt, n’osait pas tendre un tract aux retraités. « Pour les séduire, il nous manquait l’incarnation physique. Le sourire change les représentations et le statut de député assure le respect. Les seniors sont légitimistes, ils aiment nous voir aux questions au gouvernement. »

Le député et trésorier du RN n’est pas seul, à l’extrême droite, à percevoir le basculement de la population qui vote le plus et n’a jamais, majoritairement, cédé au bulletin Le Pen. Séduire les anciens : c’est l’obsession des cadres du parti d’extrême droite. Ils attendent des élections européennes du 9 juin qu’elles confirment ce que suggèrent toutes les études d’opinion depuis les élections législatives de 2022 : avec ses députés et le président du parti, Jordan Bardella, l’extrême droite fracture le verrou qu’incarnaient les plus de 65 ans.

« Ancrés dans un système de valeurs »

En 2002, la génération aujourd’hui retraitée s’était mobilisée contre Jean-Marie Le Pen dans les mêmes proportions que le reste des actifs. Vingt ans plus tard, le vote lepéniste a bondi chez les 45-65 ans, mais beaucoup moins dans cette cohorte : ils n’étaient que 29 % à glisser un bulletin Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2022. Or les plus de 65 ans représentent un tiers des votants en France. En 2022, ce sont bien ces « boomers » qui ont garanti la victoire d’Emmanuel Macron. Retraités et âgés, ils sont, comme le souligne le politologue Jérôme Fourquet dans son ouvrage La France d’après (Seuil, 2023), « ancrés dans un système de valeurs » hostile à l’extrême droite et « tendanciellement moins susceptibles d’être en phase avec un discours politique de franche rupture ».

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Ils sont encore plus déterminants lors des élections intermédiaires, pour lesquelles ils se mobilisent plus systématiquement que le reste de la population. Dans la dernière enquête de l’institut Ipsos pour le centre de recherches politiques de Sciences Po et Le Monde, réalisée en mars, 62 % des 70 ans et plus étaient certains d’aller voter aux élections européennes, contre 44 % du corps électoral. La défaite du RN lors des élections régionales de 2021, dans un contexte de forte abstention ? C’était eux.

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