Après l’examen inabouti du budget de l’Etat, suspendu samedi, les députés ont débuté lundi 28 octobre dans l’hémicycle celui du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Ils ont ainsi fait subir au gouvernement, peu pressé d’utiliser l’arme du 49.3, de nouveaux revers, en rejetant d’emblée les trois premiers articles du texte. Cela a pu se produire en raison d’une mobilisation plus forte dans le camp de la gauche que dans le camp gouvernemental – et avec le soutien ou l’abstention du Rassemblement national.
La rectification du déficit de la Sécurité sociale, revu à 18 milliards d’euros cette année au lieu des 10 milliards initialement prévus, a ainsi été rejetée, preuve d’une « insincérité budgétaire » pour le rapporteur Yannick Neuder (Les Républicains, LR, Isère), qui a nommément mis en cause l’ex-ministre Aurélien Rousseau (Yvelines). Désormais député du groupe socialiste, l’intéressé a répliqué en dénonçant la « pente dangereuse » de « tous ceux qui s’appellent républicains ici, qu’ils le mettent dans le nom de leur parti ou qu’ils le prétendent ».
Son camarade Jérôme Guedj (PS, Essonne) s’en est lui pris à un autre ex-ministre, Frédéric Valletoux, accusé d’avoir « rogné les dotations » des hôpitaux publics au profit des cliniques privées. « Escroquerie intellectuelle » et « propos mensongers », a répondu le député Horizons de Seine-et-Marne. Ces passes d’armes sont révélatrices d’un regain de tension dans un hémicycle plus rempli que les derniers jours.
Deux points de forte contestation
La séance a permis de baliser deux points chauds du débat : d’abord les exonérations de cotisations patronales, que le gouvernement veut réviser pour récupérer au passage quatre milliards d’euros – sauf que ses propres troupes, LR et macronistes, s’y opposent, de même que le RN. Pour éviter un désaveu sur cette mesure, qui devrait faire l’objet d’un vote dans l’hémicycle mardi soir, la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, s’est dite « ouverte à des évolutions ». Même chose sur l’autre article-clé, le très contesté gel des pensions de retraites, dont la revalorisation serait repoussée du 1ᵉʳ janvier au 1ᵉʳ juillet. Cette coupe est également chiffrée à 4 milliards, supprimée à la quasi-unanimité en commission et promise au même sort dans l’hémicycle.
Le ministre du budget, Laurent Saint-Martin, n’a pas exclu de « revoir la copie » pour « mieux protéger les petites pensions » avec une « compensation » pour les retraites inférieures à un seuil « par exemple de 1 200 euros ». Mais « j’attends aussi des propositions d’économies », a-t-il prévenu, le gouvernement abattant dimanche soir une carte potentiellement explosive : passer d’un à trois jours de carence et moins bien rémunérer les arrêts maladie des fonctionnaires, pour récupérer un peu plus d’un milliard d’euros. La proposition s’avère clivante : le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, s’y est déclaré lundi « favorable » afin de « financer des mesures en faveur du pouvoir d’achat » ; à l’inverse, le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard a dénoncé une « manière scandaleuse d’essayer de faire des économies ».
Menace du 49.3 ou du renvoi au Sénat
Les premiers échanges dans l’hémicycle confirment que l’adoption par un vote est incertaine, d’autant plus que 2 000 amendements sont encore à examiner d’ici au vote programmé le 5 novembre – ce qui est improbable au regard de la vingtaine d’heures restantes de débats en séance publique, quand il en a fallu trente-cinq au total à la commission pour achever ses travaux.
Les débats sur le budget de la Sécurité sociale pourraient ainsi se terminer de la même façon que ceux sur la partie « recettes » du budget de l’Etat, laissés inachevés samedi soir et censés reprendre après ceux sur le budget de la Sécu. Quand bien même les députés viendraient à bout de ce PLFSS, la copie gouvernementale risque d’être largement réécrite – ce qui ne serait pas pour déplaire aux syndicats, qui ont appelé lundi les députés à « remanier profondément » le texte.
« On ne cède pas à la facilité du 49.3 », a assuré dimanche la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon. Toutes les options restent donc ouvertes, y compris un renvoi du projet de loi initial au Sénat si les députés rejettent le texte ou n’ont pas pu arriver au vote comme prévu le 5 novembre. En parallèle, l’Assemblée a attaqué en commission des finances l’examen de la partie « dépenses » du budget de l’Etat, avec quelques morceaux de choix dès cette semaine comme l’éducation, l’écologie ou la justice.