Home Politique Les mauvais calculs de « Ma retraite Nupes », le simulateur utilisé par Gabriel...

Les mauvais calculs de « Ma retraite Nupes », le simulateur utilisé par Gabriel Attal pour critiquer la gauche

0
Le premier secrétaire du Parti socialiste et représentant du Nouveau Front populaire, Olivier Faure, et le premier ministre, Gabriel Attal, représentant d’Ensemble, lors d’un débat sur France 2, à Paris, le 27 juin 2024.

La séquence était préparée minutieusement par Gabriel Attal. Lors du débat politique diffusé, jeudi 27 juin, sur France 2, le premier ministre a attaqué le Nouveau Front populaire (NFP) sur les hausses d’impôts que celui-ci envisage pour financer les dépenses sociales de son programme. « Vous proposez d’augmenter la CSG [cotisation sociale généralisée] sur les retraites de 1 200 euros », a-t-il critiqué, appelant les téléspectateurs à consulter le site maretraitenupes.fr, créé par Ensemble, la coalition présidentielle, pour évaluer les conséquences d’une telle mesure. « Tous les Français qui nous regardent, qu’ils soient retraités, enfants, petits-enfants de retraités, peuvent se connecter sur le site, a affirmé M. Attal. Vous mettez votre montant de retraite et vous voyez de combien votre CSG va augmenter et combien cela vous fera en moins de retraite. »

« Je suis pour la CSG progressive, lui a répondu Olivier Faure, qui représentait le NFP. C’est normal que les gens qui ont moins paient moins et que les gens qui ont plus paient plus ». Le premier secrétaire du Parti socialiste a dénoncé le « simulateur truqué de M. Attal » et assuré que « pour un petit retraité, ça ne coûtera rien du tout ». Vendredi 28 juin, La France insoumise, autre composante du NFP, a dénoncé, dans un communiqué, un simulateur « mensonger » et a lancé une procédure contre Renaissance pour « allégations fausses et trompeuses de nature à altérer le scrutin ».

Trompeur, le nom de domaine Maretraitenupes.fr peut laisser penser qu’il s’agit d’un site de campagne piloté par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, ou Nupes, nom de l’alliance de gauche pour les législatives de 2022, qui regroupe la plupart des partis actuellement au sein du NFP.

Un site créé par Renaissance le jour du débat

Selon les informations disponibles en ligne, le site a été créé jeudi 27 juin, le jour même du débat entre Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure. A son apparition, il ne contenait pas de mentions légales indiquant clairement qui en était l’auteur. Ce n’est que dans la matinée de vendredi, après de nombreuses critiques en ligne, qu’un nouveau lien est apparu pour renvoyer vers le site de Renaissance. Des cadres du parti ont confirmé au Monde avoir créé ce site le jour du débat, mais se défendent de toute volonté de semer la confusion.

Lorsque Gabriel Attal a évoqué ce site, jeudi à 21 h 03, aucune mention publique n’en avait été faite. Immédiatement, plusieurs comptes militants sur X, dont « MacronardsFM » et « La France ! », l’ont relayé. Avec pour objectif, vraisemblablement, de faire remonter le sujet dans les tendances de la plate-forme. Dans les minutes qui suivent, le site a été partagé par de nombreuses figures de Renaissance, comme le député du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre ou le compte X de Gabriel Attal pendant le débat sur France 2. Aucun n’a précisé que le site avait été créé par Renaissance.

A en croire ce simulateur, le projet du NFP induit des pertes de pensions de retraite importantes, en particulier pour des pensions modestes. Selon l’exemple partagé par le compte de Gabriel Attal sur X pendant le débat, pour une pension nette mensuelle de 1 300 euros, la perte est évaluée à 858 euros par an.

Des calculs trompeurs

Ces calculs posent pourtant plusieurs problèmes. L’examen de la calculette met en évidence deux grands biais dans sa conception. Tout d’abord, elle ne demande aux retraités que le montant de leur pension de retraite. Or, le calcul de la CSG sur la pension de retraite, dans le système actuel comme dans celui envisagé par la gauche, dépend aussi du revenu fiscal de l’ensemble du foyer, et du nombre de parts fiscales de celui-ci.

Un retraité touchant une pension de 1 200 euros ne s’acquitte pas du même montant de CSG selon qu’il vit seul ou avec un conjoint qui perçoit une retraite élevée. Mais le site Maretraitenupes.fr ne prend en compte que le cas de figure d’une personne seule.

Le Monde

Soutenez une rédaction de 550 journalistes

Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 7,99 €/mois pendant 1 an.

S’abonner

Interrogé à ce sujet, un cadre de l’équipe de campagne d’Ensemble reconnaît l’approximation : « Cela n’a pas la prétention d’être un simulateur du ministère de l’économie. » Il assume un simulateur « simpliste », pour alerter sur le programme « pas clair du tout » du NFP, qui n’a pas publié de barème détaillant leur proposition. « Comme des députés Nupes ont déposé par le passé des amendements de ce type, nous souhaitons alerter les Français retraités sur les conséquences d’une telle mesure sur leurs pensions », justifie ce membre de Renaissance.

En cherchant à reproduire les calculs tels qu’Ensemble les a détaillés, Le Monde n’est pas parvenu aux mêmes chiffres, le simulateur ayant tendance à surestimer les pertes et à ignorer les situations où la réforme serait au contraire favorable aux retraités.

Ensuite, cette démarche se fonde sur une proposition de 2023, qui n’est pas directement reprise dans le programme du NFP. L’amendement utilisé a, certes, été déposé par la Nupes et défendu par le socialiste Jérôme Guedj, avant d’être rejeté, début 2023. Ensemble a considéré qu’il préfigure ce que pourrait donner la mesure portée aujourd’hui par la gauche d’une CSG plus « progressive ».

Dans tous les cas, plusieurs membres du NFP ont assuré vendredi que leur réforme ne serait pas exactement celle proposée par les socialistes en 2023. « Notre programme commun fixe le principe d’une CSG progressive, pour plus de justice fiscale, mais on n’a pas encore arbitré la question du barème », explique Arthur Delaporte, député socialiste sortant et candidat du NFP dans la 2e circonscription du Calvados. Si elle obtenait la majorité à l’issue des législatives, la gauche compte arbitrer le débat sur le barème dans l’Hémicycle, confirme Hadrien Clouet, député sortant La France insoumise et candidat du NFP en Haute-Garonne : « L’impôt est une chose sérieuse qui se discute à l’Assemblée nationale, n’en déplaise à M. Attal. »

Réutiliser ce contenu

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile