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« L’extrême droite détourne de son sens une image qui symbolise la fraternité et le vivre-ensemble »

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Détournée par le RN

Pour saisir le réel, le philosophe Roland Barthes affirmait qu’il fallait en déchiffrer les « signes », les objets les plus emblématiques et, plus encore, leur mise en scène. Dans deux vidéos, l’une s’adressant aux Français, l’autre aux femmes, mises en ligne les 13 juin et 17 juin à l’approche des élections législatives, Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, apparaît assis derrière un bureau avec en arrière-plan à gauche la reproduction d’une lithographie aux couleurs bleu-blanc-rouge. On reconnaît Liberté, Egalité, Fraternité : la Marianne d’Obey, le pseudonyme de l’Américain Shepard Fairey. Ce fervent défenseur des minorités, engagé en 2008 dans la campagne de Barack Obama, est pourtant loin de partager l’idéologie du Rassemblement national, qui cible les immigrés et revendique la préférence nationale. Contacté par M, le street-artiste se désole de cette réappropriation : « L’extrême droite détourne de son sens une image qui symbolise la fraternité et le vivre-ensemble, pour lui faire dire tout autre chose, le repli nationaliste. » En affichant cette lithographie, Jordan Bardella, dont l’état-major n’a pas répondu à nos sollicitations, fait d’une pierre deux coups : il vise un jeune électorat et il nargue Emmanuel Macron, qui avait fait de cette œuvre sa mascotte lors de sa campagne présidentielle de 2017.

Prêtée à l’Elysée

C’est en février 2017 que cette Marianne fait son apparition dans le QG de campagne d’Emmanuel Macron. La toile appartient à Jean-Marc Dumontet, alors proche conseiller du candidat d’En marche !. « L’idée n’était pas du tout d’en faire un outil de communication », se défend le producteur de spectacles, qui tient à préciser qu’il a « prêté et non donné » l’œuvre au président de la République. Invité à deux reprises à l’Elysée, Obey reconnaît avoir été flatté de voir sa Marianne accrochée dans le bureau d’angle du palais. « Emmanuel Macron était un meilleur choix que Marine Le Pen », confie l’artiste. La toile a depuis été décrochée du bureau présidentiel. « Mais elle est toujours quelque part à l’Elysée », affirme Jean-Marc Dumontet, qui trouve « idéologiquement choquante » la récupération de cette image par Jordan Bardella. « Au fond, ça fait petit plagiaire. »

Déclinée en fresque

Obey avait imaginé cette Marianne en soutien aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. L’image, dont le graphisme relève à la fois du tract politique et de l’iconographie Art nouveau, a été déclinée l’année suivante en une fresque monumentale sur la façade d’un immeuble du boulevard Vincent-Auriol, dans le 13e arrondissement de Paris. Attaché à l’esprit de partage véhiculé par son œuvre, Shepard Fairey a mis cette image en open source, permettant à tout un chacun de la télécharger gratuitement à partir d’obeygiant.com, son site. « Cette Marianne a quelque chose d’universel, elle fait sens pour tout le monde », dit-il, avant d’ajouter : « Elle n’appartient à aucun parti politique. »

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