parler avec la Chine, sans illusions

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Attendu à Paris lundi 6 mai, Xi Jinping ne se contentera pas de célébrer avec Emmanuel Macron le soixantième anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la République populaire de Chine. Le président chinois profitera de son premier voyage sur le Vieux Continent en cinq ans pour se rendre dans deux autres pays européens : la Serbie et la Hongrie.

Ces destinations ne doivent rien au hasard. A Paris, Xi Jinping flattera une fois de plus ses interlocuteurs en insistant sur « la relation particulière » qui unirait la France et la Chine depuis la reconnaissance de la République populaire par Charles de Gaulle. Il vantera à coup sûr « l’autonomie stratégique » de la France à l’égard des Etats-Unis. A Belgrade, il dénoncera le bombardement de l’ambassade de Chine par l’OTAN le 7 mai 1999, Washington plaidant une erreur. Le drame avait ulcéré Pékin et la propagande continue de l’exploiter pour dénoncer « l’impérialisme américain ». En Hongrie, enfin, il mettra en valeur le premier ministre Viktor Orban, qui ne cesse de vouloir affaiblir l’Europe de l’intérieur et de se montrer conciliant avec Vladimir Poutine.

La Chine affirme volontiers qu’elle veut une « Europe forte ». Rien n’est plus faux. Elle entend affaiblir les démocraties occidentales et donc miner autant que possible la relation transatlantique, voire l’Union européenne elle-même. En 2012, elle avait à cette fin lancé des sommets « 17 + 1 » pour tenter d’attirer à elle les pays d’Europe centrale et orientale et de les éloigner de Bruxelles. Une initiative qui a, heureusement, fait long feu.

Contre-productif

Emmanuel Macron n’est pas dupe. Depuis 2019, il associe systématiquement des responsables européens à ses rencontres avec le numéro un chinois, que ce soit à Paris ou en Chine. A juste titre. Face à la deuxième puissance mondiale, que les Européens qualifient désormais de « rival systémique », la France n’a aucun intérêt à faire cavalier seul et à se montrer sensible aux flatteries de son homologue chinois. Seule une Europe unie a quelque chance de se faire entendre auprès de Pékin. Et encore, pas dans tous les domaines.

Continuer de croire que la Chine est neutre dans la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine est contre-productif. Comme le montrera à nouveau le prochain voyage du président russe à Pékin – Vladimir Poutine devrait effectuer en Chine son premier déplacement à l’étranger après sa reconduction à la présidence le 7 mai –, les deux régimes ont noué une véritable alliance informelle. Si la Chine se garde bien de vendre des armes à Moscou, elle lui livre les équipements lui permettant de moderniser son industrie de défense.

En reconnaissant la Chine communiste, Charles de Gaulle avait déclaré : « Il n’y a, dans cette décision, rien qui comporte la moindre approbation à l’égard du système politique qui domine actuellement la Chine. (…) La France reconnaît simplement le monde tel qu’il est. » Soixante ans après, cette formule reste parfaitement valable. La place prise, entre-temps, par la Chine dans les affaires du monde la rend même encore plus pertinente.

Ne pas parler à la Chine n’est pas une solution. Mais traiter Xi Jinping en ami n’en est pas une non plus. Emmanuel Macron, qui a invité son homologue chinois dans les Hautes-Pyrénées le 7 mai, ne doit pas se bercer d’illusions. Cette partie « intime » du déplacement n’apportera pas davantage à la France et à l’Europe que la visite de Vladimir Poutine au fort de Brégançon en 2019.

Le Monde

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