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penser ensemble la psychiatrie et la politique

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Et si l’histoire de la psychiatrie et de l’un de ses courants – la psychothérapie institutionnelle – permettait de comprendre le retour de mouvements politiques néofascistes et de fournir des outils pour les combattre ? C’est le pari ambitieux et stimulant de l’historienne Camille Robcis, qui retrace, dans Désaliénation. Politique de la psychiatrie. Tosquelles, Fanon, Guattari, Foucault (Seuil, 304 pages, 21,50 euros), l’émergence et les transformations de ce mouvement psychiatrique d’après-guerre.

L’une des originalités du livre est de replacer ce mouvement psychiatrique dans l’histoire politique et intellectuelle. La psychothérapie institutionnelle naît pendant la seconde guerre mondiale, au sein de l’hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole (Lozère), où se retrouvent des médecins et des intellectuels, également résistants et militants antifascistes. L’un d’eux, François Tosquelles, est un psychiatre catalan et militant anarchiste réfugié en France. L’interaction de ces deux fronts – psychiatrique et politique – donnera lieu à une double conception de l’aliénation psychique et politique, qui constitue le cœur de la pensée de la psychothérapie institutionnelle.

Contre la psychiatrie dominante, biologique et réductionniste, ce mouvement considère que toute maladie mentale n’est pas réductible au cerveau ou au corps, mais que les effets de structures sociales aliénantes viennent s’inscrire dans le corps et le psychisme. L’hôpital lui-même peut être une structure aliénante, d’où la nécessité de repenser le fonctionnement de celui-ci pour ne pas aggraver l’enfermement dont souffrent les patients.

C’est la prise de conscience des conditions de l’asile dans les années 1940 qui va amener ces psychiatres à repenser leurs pratiques. Les patients sont alors souvent attachés et sédatés. Quarante mille d’entre eux vont mourir pendant la seconde guerre mondiale, la plupart de faim et de froid. Certes, les malades mentaux ne sont pas victimes, comme en Allemagne, d’une politique eugéniste, mais ces psychiatres sont frappés par les ressemblances entre les asiles et les camps de concentration, et décident de lutter contre tout ce qu’ils appellent les « concentrationnismes ». A Saint-Alban comme à la clinique de La Borde, ils vont s’attaquer aux murs de l’hôpital pour l’intégrer au village, créer des espaces communs de rencontre et d’activités, ainsi que des instances décisionnelles portées par les patients et les soignants.

Fascisme et psychisme

De cette pratique naît une approche originale de l’institution : puisque toute structure tend à devenir aliénante, il faut mettre en place des usages permettant sans cesse de les repenser. Cette idée s’applique à bien d’autres institutions : à la famille pour Gilles Deleuze et Félix Guattari, qui explorent cette piste dans L’Anti-Œdipe (Minuit, 1972), mais aussi à l’école, à la prison, à l’université ou encore aux villes.

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