La flambée de violences en Nouvelle-Calédonie et la crainte qu’elle dégénère en guerre civile ont fait surgir la question du nombre d’armes en circulation dans l’archipel, où cinq personnes sont mortes depuis le début des émeutes, dont deux gendarmes. Tirant le bilan de la nuit de violences sur la commune du Mont-Dore, au sud-est de Nouméa dans la nuit de lundi 13 et mardi 14 mai, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a notamment rapporté « des tirs tendus avec des armes de gros calibre, des carabines de grande chasse, sur les gendarmes ».
Rapporté au nombre d’habitants, l’archipel est connu pour le nombre conséquent d’armes sur le territoire. Les services de l’Etat considèrent qu’il y a, en moyenne, une arme à feu pour quatre habitants. Selon, un rapport parlementaire, publié en avril, quelque 64 000 armes, de catégorie B et C (les armes de chasse et de tir sportif), sont en circulation dans l’archipel.
« En ajoutant les armes détenues de manière illégale, les services de l’Etat évoquent un total de 100 000 armes en circulation. Un chiffre très important au regard des 268 500 habitants du territoire », précise le rapport. A titre de comparaison, le ministère de l’intérieur avait affirmé sur Franceinfo, en 2021, que 5,4 millions d’armes soumises à autorisation ou déclaration étaient recensées par la base Agrippa, sur la totalité du territoire français, dont environ 1,4 million armes de catégorie B et 4 millions de catégorie C, pour plus de 67 millions de Français.
« Un territoire rural où la chasse est très importante »
Selon Evelyne Barthou, sociologue de la jeunesse, cela s’inscrit dans une tradition historique de chasse. La Nouvelle-Calédonie est « un territoire rural où la chasse est très importante, familiale », décrit-elle. « Les armes sont notamment utilisées pour chasser les cerfs et les cochons sauvages, qui sont des nuisibles. Il y a des fusils dans tous les foyers mais ils sont rangés précieusement », complète l’anthropologue au CNRS et spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, Benoît Trépied. « L’histoire rurale calédonienne est marquée par le pastoralisme des grands troupeaux bétails. Les “cow-boys locaux” sont très présents dans la culture. Ces gens-là étaient armés pour chasser les animaux », poursuit-il, d’autant que la culture de la chasse permet l’« autoconsommation ». Cette pratique est très courante aussi bien dans les familles kanak que caldoches.
« Il y a un goût pour les armes, ça fait partie des traits de culture de la civilisation calédonienne. Les Calédoniens aiment et connaissent l’armement », selon l’ancien haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie Thierry Lataste. Chaque année, la Fédération de la faune et de la chasse de Nouvelle-Calédonie recense 4 500 adhérents. En plus de la chasse, les habitants sont des adeptes du tir sportif. Pas moins de 2 000 licenciés ont été recensés, en 2023, par la ligue de tir de Nouvelle-Calédonie.
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