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Que fait l’extrême droite pour le climat quand elle est au pouvoir ?

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L’actu de « Chaleur humaine »

Fin de saison. Le podcast est en pause pour quelques semaines mais, dans ce contexte électoral, je vous propose de réécouter un épisode réalisé avec le sociologue Laurent Cordonier, « Comment parler du climat sans s’affronter ? », dans lequel il évoque notamment les parties de la population qui s’intéressent le plus – et le moins – aux questions climatiques.

Ancienne question. Comme il y a de nouveaux abonnés à l’infolettre « Chaleur humaine », voici une réponse à une question souvent posée : « Les voitures hybrides rechargeables sont-elles la solution ? » (spoiler : bof, pas trop)

Très bonne question. Nos enfants vont-ils ruiner tous nos efforts pour ralentir le réchauffement en nous poussant à la surconsommation de trucs débiles ? C’est la question que pose Cécile Cazenave, productrice de cette saison de « Chaleur humaine », dans cette nouvelle chronique sur les parents et le climat. A lire ici.

La question de la semaine

« J’ai vu vos articles sur Bardella et l’énergie, mais plutôt que de taper sur le RN, je me demandais si les partis qui lui ressemblent se préoccupent du climat quand ils sont au pouvoir ? Ou est-ce qu’ils font la même chose que les autres ? » Question posée par Alexandre à l’adresse chaleurhumaine@lemonde.fr

Ma réponse : Pour les partis d’extrême droite, le climat n’est en général pas une priorité – en France, le sujet est quasiment absent du programme du Rassemblement national (RN), par exemple. Mais dans les pays où ils gouvernent, ils s’alignent en général sur les intérêts des producteurs d’énergie fossile, remettant en cause les politiques de transition et encouragent le climatoscepticisme. Sur le RN, en particulier, je ne peux que vous encourager à lire cet article de plusieurs de mes collègues : « Les défenseurs du climat alarmés par la possible arrivée du RN au pouvoir ».

J’ai regardé les politiques mises en œuvre dans plusieurs pays où des mouvements d’extrême droite gouvernent, ou ont gouverné, pour essayer d’en dégager quelques grandes tendances. Je me suis penché sur les orientations prises en Pologne par le parti Droit et justice (au pouvoir entre 2015 et 2023), en Hongrie par le Fidesz de Viktor Orban (au pouvoir depuis 2010), en Italie par le gouvernement de Giorgia Meloni (au pouvoir depuis 2022), au Brésil par le président Jair Bolsonaro (au pouvoir entre 2019 et 2023) et aux Etats-Unis par Donald Trump (au pouvoir entre 2016 et 2020). Je me suis aussi penché sur les actions de la coalition entre les conservateurs et l’extrême droite en Suède, au pouvoir depuis 2022. Ces partis ont tous des différences dans leurs approches et gouvernent dans des contextes différents. Mais il est intéressant de noter que sur la question climatique, il y a plutôt une cohérence… pour ne rien faire.

1/Un soutien total aux énergies fossiles

Alors que l’objectif de neutralité carbone en 2050 implique de diminuer massivement notre consommation d’énergies fossiles, les gouvernements d’extrême droite sont des promoteurs de leur développement. Aux Etats-Unis et au Brésil, l’exploration et la production de pétrole et de gaz ont été massivement encouragées, et les normes sur les émissions de méthane réduites. En Pologne, le parti Droit et justice (PiS) a soutenu fermement le charbon, qui représente 80 % de la production d’électricité du pays, de très loin l’énergie la plus dangereuse pour le climat. Au point de se moquer des objectifs européens de décarbonation, en s’engageant à fermer les mines de charbon… en 2049 ! Aux Etats-Unis, Donald Trump a aussi largement soutenu l’industrie du charbon en grande difficulté (même si c’est moins le cas dans sa campagne actuelle).

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En Italie, Giorgia Meloni a commencé son mandat en disant que son parti « aimait l’environnement » mais a immédiatement dénoncé le Green Deal européen comme du « fondamentalisme climatique ». Elle a récemment lancé un plan énergétique en utilisant une partie des fonds climatiques italiens qui pourrait pourtant mener à des nouveaux projets pétro-gaziers en Afrique. En Suède, la coalition droite-extrême droite a augmenté les subventions aux énergies fossiles.

En France, le RN est également opposé aux politiques visant à réduire les usages du pétrole et du gaz – par exemple l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035 au niveau européen –, ce qui conduirait à maintenir un haut niveau d’importation d’énergies fossiles. J’en avais parlé dans cet article.

2/Batailler contre les énergies renouvelables

Alors que l’éolien et le solaire se développent à un rythme important dans le monde entier, les partis et gouvernements d’extrême droite y sont généralement opposés.

En Italie, Giorgia Meloni vient de durcir la législation sur l’installation de panneaux solaires. En Pologne, le gouvernement de droite nationaliste a décidé depuis 2016 d’une réglementation très stricte sur l’éolien terrestre, qui a, de fait, empêché son développement. En Hongrie, Vikotr Orban a fait plus direct : il a banni l’éolien et augmenté les taxes sur le solaire. En Suède, la coalition au pouvoir a également diminué les subventions destinées à l’éolien offshore. Donald Trump a refusé tout développement de l’énergie éolienne, et notamment en mer, qu’il considère comme une menace pour les énergies fossiles. (Il a d’ailleurs déclaré dans un dîner : « Je déteste le vent. »)

En France, le RN prévoit également la mise en place d’un moratoire sur l’éolien et le solaire, qui représentent autour de 15 % de la production d’électricité.

3/Affaiblir les réglementations sur l’environnement

Autre point commun à l’extrême droite dans les pays où elle gouverne : le retour en arrière sur les réglementations environnementales. C’est particulièrement vrai pour l’ère Trump aux Etats-Unis, qui a conduit à réduire les normes d’efficacité énergétique, qu’il s’agisse des ampoules ou des voitures. Il avait d’ailleurs nommé un climatosceptique notoire à la tête de l’Agence de protection de l’environnement, vidée de sa substance. Mais c’est également le cas au Brésil, où la fin de nombreuses règles a amené à une destruction de l’Amazonie sans précédent sous la présidence Bolsonaro – notamment pour libérer des terres agricoles pour de l’exploitation intensive (voir cet article pour plus de détails).

En Suède, le gouvernement de coalition qui comprend l’extrême droite a décidé d’abandonner les critères climatiques dans l’attribution des marchés publics et d’éliminer le système de bonus favorisant les véhicules électriques.

Au Parlement européen, les représentants polonais de Droit et justice, italiens de Fratelli d’Italia et hongrois de Viktor Orban ont systématiquement voté contre les politiques climatiques et contre la loi de préservation de la nature – critiquant notamment l’excès de normes. Dans les faits, dans chacun de ces pays, les règles environnementales ont été largement revues à la baisse.

4/Agir contre la diplomatie climatique

Elu président, Donald Trump était sorti de l’accord de Paris sur le climat – que Joe Biden avait réintégré une fois élu. S’il est réélu, le candidat républicain s’engage à se libérer de nouveau de tout engagement international sur le climat.

L’Italienne Giorgia Meloni tient un discours plus subtil : dans les enceintes internationales, elle tient un discours proclimat, sans pour autant prendre d’engagement. Mais son gouvernement prend des positions climatosceptiques dans les débats dans la Péninsule (voir cet article qui explique ce double jeu).

Les Hongrois et les Polonais ne font pas tant d’efforts : en 2019, la Pologne a ainsi mis son veto à l’objectif de neutralité carbone au niveau européen en 2050, obligeant l’UE à adopter cet objectif par des voies détournées. Viktor Orban a pourtant lui-même soutenu l’accord de Paris sur le climat en 2015 – il était déjà au pouvoir –, avant de faire volte-face dans sa vision du climat.

Marine Le Pen disait en 2022 ne pas vouloir sortir de l’accord de Paris sur le climat mais soulignait que « la question environnementale internationale ne constituera pas l’alpha et l’oméga de [sa] politique étrangère ».

5/Encourager le climatoscepticisme et le déni de la science

En Italie, plusieurs membres du gouvernement de Giorgia Meloni ne cachent pas qu’ils nient la science climatique. Plusieurs ministres ont ainsi expliqué que la fonte des glaciers des Alpes était un phénomène naturel. En Pologne, des campagnes de désinformation sur le climat ont été coordonnées et soutenues par des ministres et des compagnies publiques d’énergie. Le Hongrois Viktor Orban a même créé un think tank spécialisé dans la négation du changement climatique pour infléchir les politiques européennes sur le sujet (voir cet article de Politico).

Donald Trump a lui expliqué que le changement climatique était un mensonge créé par les Chinois quand Jair Bolsonaro, climatosceptique affiché, a multiplié la diffusion de fausses informations sur le sujet.

En France, le Rassemblement national n’est pas officiellement climatosceptique mais plusieurs élus ont fait des déclarations allant à l’encontre du consensus scientifique : le député Thomas Ménagé a ainsi estimé que le GIEC « exagère » ou la députée européenne Mathilde Androuët a minimisé le rôle des activités humaines dans le réchauffement.

Un peu de « Chaleur humaine » en plus

Dans mes oreilles (1). Une bonne émission de France Culture, « De causes à effets », sur l’absence des questions écologiques dans la campagne des européennes, avec notamment Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris en 2015, et mon collègue Mathieu Goar, qui suit les questions de politique climatiques au Monde. A écouter ici

Dans mes oreilles (2). Un podcast en plusieurs épisodes de Radio France, « Les Ratés du climat » – on parle ici des grands moments qui ont échoué à faire adopter une vraie stratégie climatique au niveau global. Six épisodes à découvrir ici.

Sur mon écran. Le nouveau site d’Impact CO2, le calculateur carbone de l’Ademe, très pratique et plus facile à utiliser : c’est à voir ici.

Sur ma table de nuit. Un livre de la sociologue Julie Madon, Faire durer les objets (Presses de Sciences Po), qui parle des gens qui conservent et réparent leurs objets, pour des raisons économiques, écologiques ou de passion. Ça m’a fait penser à cet épisode de « Chaleur humaine » sur la consommation avec Benoît Heilbrunn, dans lequel cette question était un peu abordée.

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