L’enjeu des services publics est un thème central à chaque élection nationale. Les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet n’y font pas exception. Avec, en toile de fond, l’idée que la dégradation des services publics, notamment dans la ruralité et les zones périurbaines, serait un moteur puissant du vote en faveur du Rassemblement national (RN). Un moteur qui ne se retranscrit toutefois pas dans les débats de campagne. Comme le montre le chiffrage réalisé par l’Institut Montaigne, que Le Monde a consulté en exclusivité, sur ce sujet, contrairement à d’autres, les partis comptent dépenser de manière modérée – à part le Nouveau Front populaire (NFP) sur l’école, dont il veut la gratuité intégrale, estimée à 13 milliards d’euros par an. Le think tank libéral a analysé neuf mesures différentes du RN, d’Ensemble et du NFP. « On voit que les grandes thématiques ne se concentrent pas sur cette question, analyse Lisa Thomas-Darbois, directrice adjointe des études France de l’Institut Montaigne. Alors que la dégradation des services publics est justement un ressort du vote de mécontentement. »
Dans chaque camp les propositions sont limitées et bien souvent floues et imprécises. « Le sujet des services publics est surtout traité sur la question de l’accessibilité, la façon dont l’Etat aide certains à se rapprocher de services, comment on s’adapte à de nouvelles réglementations liées à la transition écologique, etc. », ajoute l’analyste. En revanche, aucune réforme structurelle en vue, aucune réponse de long terme.
Sur la santé, alors que la situation de nos hôpitaux se dégrade sans cesse et que de plus en plus de territoires deviennent des déserts médicaux, les mesures semblent peu ambitieuses. Le RN propose, par exemple, d’exonérer d’impôt sur le revenu tous les médecins en cumul emploi-retraite. Une disposition que l’Institut Montaigne évalue entre 819 millions d’euros et 1,09 milliard par an. Surtout, si elle peut être incitative pour les médecins retraités, sa constitutionnalité pourrait être mise en question à cause du principe d’égalité devant l’impôt.
Pour financer une telle exonération, le RN espère probablement s’appuyer sur les recettes générées par la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), qu’il entend remplacer une aide d’urgence vitale. Le dispositif de couverture maladie réservé aux sans-papiers, qui a bénéficié à 466 000 patients en 2023, coûte près d’un milliard d’euros à l’Etat. Mais sa suppression ne permettrait pas d’économiser autant puisqu’il faudra financer l’aide d’urgence vitale qui le remplacera. L’Institut Montaigne juge que ce marqueur du parti d’extrême droite générerait finalement une économie annuelle de 700 millions d’euros. Les auteurs du chiffrage précisent toutefois que « sa mise en œuvre pourrait générer des coûts supplémentaires non négligeables liés à une propagation des affections contagieuses » dans la population.
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