Après des mois de psychodrame autour de Fayard, Vivendi, propriétaire du groupe Lagardère, elle-même maison mère de Hachette, a tranché : Lise Boëll est nommée présidente-directrice générale de la maison d’édition auparavant dirigée par Isabelle Saporta. Une décision somme toute logique. On voyait mal qui serait disposé à accepter de partager le pouvoir avec cette forte personnalité de l’édition, surnommé par ses contempteurs « l’éditrice de la fachosphère » ou « l’éditrice des réacs ».
La mission de Lise Boëll sera de développer Fayard, dont le chiffre d’affaires a atteint 34 millions d’euros en 2023, contre une quinzaine de millions en 2022.
Autrefois éditrice d’Éric Zemmour, qui s’autoédite aujourd’hui, chargée notamment des livres de Philippe de Villiers, Stéphane Bern et de l’écrivain Laurent Gounelle, dont elle vient d’éditer le dernier roman Un monde presque parfait, Lise Boëll avait été propulsée en février 2024 aux éditions Mazarine, maison fondée en 1979 et relancée en 2016. Une promotion qui avait fortement déplu à Isabelle Saporta, PDG de Fayard depuis juin 2022 et qui se refusait à travailler avec elle et qui a été contrainte de partir de Fayard pour cette raison.
Lise Boëll, éditrice de Dora l’exploratrice et Éric Zemmour
Qualifiée par Hachette dans un communiqué d’éditrice « chevronnée au parcours marqué par de nombreux succès éditoriaux », Lise Boëll avait dû partir à la fin 2023 du groupe Editis, où elle dirigeait les éditions Plon, d’un commun accord avec le nouveau président, Denis Olivennes. Âgée de 57 ans, elle a débuté dans la publicité et travaillé un moment à TF1 à la fin des années 1990. C’est à Albin Michel où elle fait ses armes et en devient une « machine à cash ». Elle est à l’origine du succès commercial des ouvrages jeunesse Dora l’exploratrice et Calimero.
À LIRE AUSSI Jean-Luc Barré prend la présidence des éditions PlonNommée directrice éditoriale non-fiction en 1997, elle contribue aux succès en librairie d’Éric Zemmour, chipé en 2010 à Fayard, et de Philippe de Villiers. Le premier a vendu 470 000 exemplaires avec Le Suicide français, le second atteignant 250 000 exemplaires avec Le moment est venu de dire. Lorsqu’Albin Michel refusera d’éditer à l’été 2021 le nouveau livre d’Éric Zemmour, qui se lance en politique, elle claque la porte et rebondit chez Plon, dans le groupe Editis. Ses prises de bec avec l’autre directrice de Plon, Céline Thoulouze, déchirent la maison d’édition en deux camps fidèles à chacune des éditrices.
Recrues et départs
La nomination à la tête de Fayard de Lise Boëll, proche d’Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vivendi, et de Nicolas Diat, essayiste et éditeur de Fayard réputé proche de Vincent Bolloré et des cardinaux Sarah et Bustillo, peut avoir des conséquences sur certains auteurs de Fayard qui peuvent refuser de travailler avec elle. On connaîtra ses recrues dans les prochaines semaines. On saura notamment si elle est parvenue à éditer le président du Rassemblement national Jordan Bardella, qui doit publier prochainement son autobiographie.
À LIRE AUSSI Gros sous et infidélités : le mercato des écrivains « Avec Lise Boëll à Fayard, Vincent Bolloré annonce clairement la couleur : à droite toute ! » commente un expert du secteur qui se demande si Lise Boëll continuera de travailler avec l’éditeur Mickaël Palvin, licencié des éditions Albin Michel pour faute grave. Il sera aussi intéressant de voir comment réagiront les autres éditeurs historiques de Hachette, tels qu’Olivier Nora à Grasset et Philippe Robinet à Calmann-Lévy. Une chose est sûre : à Fayard, Lise Boëll va pouvoir profiter pour la promotion des ouvrages qu’elle éditera de l’énorme force de frappe médiatique du groupe Vivendi, avec l’agence Havas, la radio Europe 1, les chaînes Canal+, C8 et CNews ainsi que Le Journal du dimanche.
