Bolt, Tier, Dott… voilà les mastodontes du vélo en libre-service à Paris. Et peut-être, Pony, petite entreprise angevine qui part, elle aussi, à l’assaut de la capitale. La société, fondée en 2017 par Paul-Adrien Cormerais et Clara Vaisse, a répondu à un appel à manifestation d’intérêt pour pouvoir déployer ses vélos dans la capitale dès 2025. « Nous souhaitons devenir le leader français de vélos et trottinettes en libre-service », affirme Guillem Leroux, directeur des relations publiques. Rien que ça donc ?
À la différence de ses concurrents étasuniens et européens, partis à la conquête des grandes villes internationales, Pony investit dans le marché français et a conclu des partenariats avec dix-neuf villes de taille moyenne comme Bordeaux, Nice, ou Perpignan, et deux villes belges francophones, Liège et Charleroi. « Nous avons travaillé sur une forte complémentarité avec les transports en commun – en région, les trains circulent parfois moins qu’en fin de soirée, indique Guillem Leroux. Les trottinettes et les vélos en libre-service peuvent alors inciter les gens à ne pas prendre la voiture. »
Une stratégie payante puisque, dans l’année, 300 000 utilisateurs ont enfourché une de leurs bicyclettes ou trottinettes pour leurs déplacements, sur tout le territoire. Leur flotte de 10 000 vélos et trottinettes électriques repose aussi sur un système d’investissement des usagers. Les particuliers peuvent, en effet, acheter des trottinettes ou des vélos électriques, qui sont exploités et entretenus par l’entreprise, et obtiennent 50 % des recettes liées aux locations. Si Pony souhaite rester discret sur son chiffre d’affaires, l’entreprise affirme avoir atteint l’équilibre, et est rentable dans chaque ville où elle s’est implantée.
L’Ademe et La Poste au capital
Pony mise sur la France, et pas uniquement pour le déploiement de ses véhicules. Toute sa stratégie de développement se fonde avec des acteurs français. « Contrairement à la plupart de nos concurrents, nous ne sommes pas seulement opérateurs, mais aussi fabricants de nos vélos, renchérit le directeur des relations publiques. Nous avons un bureau d’études, avec des ingénieurs mécaniques, des ingénieurs électroniques, ce qui nous permet de proposer des modèles différents, de les ajuster aux usages que nous observons. »
Si les modèles sont, aujourd’hui, fabriqués à Taïwan, Pony aimerait, à terme, tout façonner en France. Un projet qui a séduit plusieurs investisseurs, dont l’Ademe et La Poste, qui ont investi dans son capital… lui aussi, 100 % français. La dernière levée de fonds s’élève à 23 millions d’euros de financement.
Prochaine étape, donc : Paris. Le marché de la capitale est complexe, divisé en deux grandes catégories : l’opérateur subventionné Vélib, et les opérateurs privés qui ont une convention d’occupation de domaine public, comme Lime (filière d’Uber), Dott, Bolt et Tier. Pony se classerait donc dans le second groupe. Si Pony remporte l’appel à manifestation d’intérêt, 6 000 vélos à assistance électrique dans la capitale seront lancés
Petit mais avec de gros arguments. D’abord, c’est la seule entreprise française à être candidate, et avoir déjà la confiance de plusieurs villes sur le territoire. Selon un sondage Cluster17 réalisé sur 2 826 personnes, dont 513 Parisiennes et 423 Parisiens, 88 % des sondés souhaitent que leur ville privilégie une entreprise de vélo libre-service française à des concurrents extra-nationaux.
Le « double Pony », un vélo deux places
Pony mise aussi sur un modèle innovant. Le « double Pony », vélo à assistance électrique à deux places, permettrait ainsi de partager un vélo, sans coût supplémentaire. Si la visée pratique et économique semble évidente, l’entreprise considère cette solution comme une manière de lutter contre le « gender gap » : à Paris, 11 % des femmes montent à vélo contre 23 % des hommes, soit un différentiel de 100 %.
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« Il y a un réel enjeu de féminisation du public sur les vélos à Paris, décrit Guillem Leroux. Et il y a plusieurs raisons à cela : en particulier les femmes qui voient le vélo comme un mode de transport moins sécurisant, avec un risque de collision, une vulnérabilité, etc. Si cette donnée dépend de l’investissement public, être passager sur notre vélo deux places permettrait aussi d’accompagner les femmes dans la pratique du vélo. »
Alors que plusieurs concurrents comme Mobike, Donkey Republic ou Ofo, se sont cassé les dents, Pony peut-il rester confiant ? En tout cas, l’objectif est clair : doubler le nombre de villes et tripler le nombre de véhicules pour atteindre 30 000 trottinettes et vélos. « Nous sommes en train de rentrer dans une société du vélo, admet Guillem Leroux. De plus en plus de gens roulent à vélo, en particulier les jeunes, donc c’est une pratique, au fur et à mesure du temps, qui va se développer parce que le renouvellement générationnel. L’enjeu sera surtout de faire sauter le pas aux personnes qui seraient encore réticentes, et de mieux faire coexister les cyclistes et les conducteurs. »