La nomination de l’entraîneur belge Marc Brys à la tête des Lions indomptables ne passe décidément pas auprès de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) et de son président, Samuel Eto’o. L’instance, qui s’était plainte le 2 avril d’avoir « appris, comme l’ensemble des Camerounais », à la télévision, la désignation du successeur de Rigobert Song a confirmé, dans un communiqué publié le 3 avril, sa décision de ne « pas reconnaître ces nominations ».
Outre le technicien belge, plusieurs personnalités nommées pour rejoindre l’encadrement de la sélection entretiennent des relations notoirement mauvaises avec Samuel Eto’o. Parmi eux, les anciens internationaux Alioum Boukar et François Omam-Biyik, qui intégreront le staff technique de Marc Brys, avaient déjà occupé ces fonctions sous la direction du sélectionneur portugais Antonio Conceiçao, mais avaient été limogés par le président de la Fecafoot juste après la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 2022. Quant à Benjamin Banlock, nommé coordinateur sportif de la sélection, il était secrétaire général de la Fecafoot avant de démissionner en mai 2022, six mois après l’élection de Samuel Eto’o, dont il dénonçait le management.
Invoquant le décret présidentiel n° 2014/384 du 26 septembre 2014 portant organisation et fonctionnement des sélections nationales, la Fecafoot estime que la gestion sportive, technique et administrative de celles-ci relève de sa compétence. « Je comprends la réaction de la fédération, qui s’en tient à ce que stipule ce décret. Cela pourrait être jugé par la FIFA comme une ingérence du pouvoir politique et entraîner une suspension de la Fecafoot », intervient anonymement un ancien international camerounais. Pour être validé par la FIFA, le contrat de Marc Brys, attendu dans les prochains jours à Yaoundé, devra en effet être signé par Samuel Eto’o.
La position très ferme de la Fecafoot et sa communication offensive ont fait réagir le ministère des sports. Cyrille Tollo, conseiller technique auprès du ministre Narcisse Mouelle Kombi, conteste vigoureusement les arguments de l’instance. « Affirmer que la Fecafoot n’a pas été associée au processus de recrutement est faux. Elle a transmis au ministère des sports des dossiers de candidature qu’elle avait reçus, ceux du Portugais José Peseiro, de l’Italien Fabio Cannavaro et d’Hervé Renard », sous contrat avec la Fédération française de football en tant que sélectionneur de l’équipe de France féminine jusqu’au 31 août.
« Mémoire courte »
Le Monde a pu se procurer le courrier adressé le 12 mars au ministre des sports par la Fecafoot et signé par Samuel Eto’o, dans lequel figurent effectivement les noms de Renard, Peseiro et Cannavaro, leur CV détaillé et leurs prestations salariales, « à hauteur de 2,4 millions d’euros par an pour Renard et 1,5 million d’euros pour Cannavaro et Peseiro. Au total, une vingtaine d’entraîneurs ont postulé. » Les trois techniciens, contrairement à une information qui avait circulé, n’ont cependant pas été auditionnés, mais ils faisaient partie d’une première « short list » de huit, avant que celle-ci ne soit réduite à trois noms. Selon nos informations, les trois derniers candidats retenus étaient, outre Marc Brys, son compatriote Yves Venderhaege et le Polonais Czeslaw Michniewicz.
Cyrille Tollo a également donné des précisions sur la rémunération du nouveau sélectionneur. « Il a demandé à venir avec deux adjoints, Joachim Minunga et Giannis Xilouris, pour un salaire mensuel de 40 000 euros, à charge pour eux de se répartir cette somme. L’Etat prendra également en charge les salaires des autres membres du staff et de l’encadrement de la sélection, comme cela a toujours été le cas. »
Le conseiller du ministre des sports reproche par ailleurs à Samuel Eto’o « d’avoir la mémoire courte. Quand, en février 2022, il décide de limoger le sélectionneur portugais Antonio Conceiçao et son staff technique pour nommer Rigobert Song, il l’a fait parce qu’il avait reçu l’accord de la présidence de la République. Et Narcisse Mouelle Kombi ne s’y était pas opposé. »
Les deux communiqués publiés par la Fecafoot sont perçus par le gouvernement « comme une attaque frontale de Samuel Eto’o à l’encontre du chef de l’Etat, poursuit Cyrille Tallo Monsieur Eto’o n’est pas un collaborateur de Monsieur Biya, et il ne gère pas la sélection nationale comme il l’entend, car l’Etat consacre des moyens importants pour la réussite des Lions indomptables. Il doit comprendre que la décision de nommer Marc Brys est celle du président de la République, et non celle du ministre des sports. »