A première vue, l’offre d’emploi a tout du bon plan : une mission au sein d’un service après-vente en Asie, correctement rémunérée, avec prise en charge du logement et des frais alimentaires. Sauf que derrière cette belle annonce se cache l’un des systèmes de fraude les plus massifs, violents et lucratifs du moment.
Ils sont des milliers de Kényans, Zambiens, Ghanéens ou Marocains à avoir postulé à ces emplois, officiellement situés en Thaïlande. A leur arrivée sur place, le voyage se transforme en cauchemar. Ils se retrouvent séquestrés dans d’immenses complexes de cyberfraude qui pullulent depuis 2020 en Asie du Sud-Est, principalement en Birmanie, au Cambodge et au Laos. Au cœur de ces centres, les petites mains africaines sont retenues comme en prison. Les téléphones et passeports sont confisqués, des hommes en armes les surveillent, toute incartade est violemment punie.
Leur travail, forcé, consiste en une unique mission : arnaquer des Occidentaux. Sur les réseaux sociaux, Instagram et Tinder en tête, ils se font passer pour de jeunes femmes russes ayant fait fortune dans les cryptomonnaies, jusqu’à ce que leur cible y dépense ses deniers, qu’elle ne reverra jamais. L’arnaque, baptisée « pig butchering » (dépeçage de porcs, en anglais), aurait extorqué 57 milliards de dollars en 2023 (environ 52 milliards d’euros).
Le Monde a pu obtenir le témoignage inédit de trois jeunes femmes, ex-prisonnières de ces centres. Leur récit et les documents qu’elles ont pu collecter sur place, que Le Monde a pu vérifier, lèvent le voile sur un système aussi lucratif que violent, où les victimes elles-mêmes se transforment souvent en escrocs.