Combien d’Algériens se sont rendus aux urnes le 7 septembre pour réélire Abdelmadjid Tebboune à la tête de l’Etat ? Plus d’une semaine après le vote, le taux de participation à la présidentielle, seul réel enjeu du scrutin, continue d’être commenté, bien davantage que le résultat de l’élection, connu d’avance.
La Cour constitutionnelle par son annonce, samedi 14 septembre, n’a rien fait pour atténuer la polémique. Selon son président, Omar Belhadj, la participation s’est finalement élevée à 46,1 %. Un écart considérable avec les 23 à 25 % annoncés par l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), objet de nombreux commentaires ironiques.
En effet, le nombre de votants a été quasiment doublé, passant de plus de 5,6 millions, selon l’ANIE, à 11,2 millions selon la Cour constitutionnelle. Ce gonflement a induit une baisse du score du vainqueur, qui passe de 94,1 à 84,3 %, tout en lui accordant plus de 2,3 millions de voix supplémentaires. Mais l’attention a d’abord été réservée au bond spectaculaire du candidat islamiste, Abdelaali Hassani Cherif, et à celui du Front des forces socialistes (FFS), Youcef Aouchiche, les deux « accompagnateurs » de M. Tebboune, qui se voient tous deux désormais crédités d’un score supérieur à 5 %, synonyme de remboursement des frais de campagne.
« Y a-t-il un commentaire possible après ces chiffres ? », a commenté sur le réseau social X Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid, résumant l’incrédulité qui s’est emparée de nombre d’observateurs algériens après l’annonce des résultats définitifs. L’ancien président du Mouvement de la société de la paix, Abderrezak Makri, a lui souligné sur Facebook que « l’écart des taux de participation annoncés par deux institutions ne peut-être aussi grand. (…) Les taux décidés sur la base d’ententes seront une malédiction pour leurs auteurs et cela ne fera qu’aggraver l’effondrement de la confiance du citoyen ».
Cafouillage électoral
De fait, ni Abdelmadjid Tebboune, ni ses deux pseudo-rivaux du 7 septembre ne sortent renforcés d’un scrutin quia contribué à discréditer les institutions. Pour de nombreux observateurs, ce cafouillage électoral témoigne d’une perte de compétences à tous les niveaux de l’Etat. « Ils ne sont même plus capables de frauder correctement ! », ironise ainsi un internaute.
Dans ce contexte, Mohamed Charfi, le président de l’ANIE, qui après avoir essuyé toutes les critiques lorsqu’il s’était gardé de livrer le taux de participation, se voit désormais salué pour avoir, malgré lui, donné une image plus conforme de la désaffection populaire à l’égard de cette élection.
L’éloignement grandissant entre les Algériens et le système politique qui les dirige a réveillé la parole de certains politiques, issus du régime, comme Abdelaziz Rahabi, ancien diplomate et ex-ministre de la communication, qui constate que le « Hirak silencieux a finalement pris la parole ». Dans un post sur son compte X, celui-ci met en garde sur le fait que « l’Algérie est entrée dans une phase d’ingouvernabilité en raison de l’incapacité du régime à répondre aux revendications clés du Hirak et de la fermeture des espaces politiques et médiatiques ».
Soufiane Djilali, qui a soutenu le premier mandat de M. Tebboune, considère, lui, que « le pays est en proie à une crise politique inévitable si les racines du mal-être national ne sont pas traitées (…) . Il n’y a pas d’autre option que de construire une vie politique saine ou bien de proclamer ouvertement une dictature ». Des militants du FFS, en rupture avec leur direction qui a choisi de participer à l’élection, se sont eux désolés de voir leur parti qui a toujours combattu la fraude se « prêter à des combines éhontées ».
Dans ces conditions, le régime va-t-il écouter ceux qui estiment que la réponse à ce niveau d’abstention record pour une présidentielle est à trouver dans une ouverture politique, notamment une libération immédiate des détenus d’opinion ? Beaucoup en Algérie en doute et craignent une crispation supplémentaire.