Les nombreuses élections qui se tiennent en Afrique cette année doivent rendre les autorités « vigilantes » sur leurs dépenses, alerte, dans un entretien à l’AFP, Catherine Pattillo, directrice adjointe du département Afrique du Fonds monétaire international (FMI), d’autant que le continent peine à sortir de l’ornière financière.
« Dans les pays à revenus faibles, les dépenses peuvent être déséquilibrées au cours des années électorales afin de renforcer le soutien populaire », affirme Mme Pattillo à l’occasion de la présentation d’un rapport du FMI consacré à l’Afrique subsaharienne. Or « une fois l’élection passée, il peut être nécessaire de procéder à des coupes, y compris dans le secteur public, qui est pourtant pourvoyeur de croissance », poursuit-elle.
De l’Afrique du Sud à l’Algérie, en passant par le Mozambique, le Ghana et la Mauritanie, près de 20 scrutins se tiennent cette année sur le continent, a rappelé l’institution, vendredi 19 avril, à l’occasion des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale à Washington. Certaines élections ont déjà eu lieu, comme au Sénégal, où elles ont été perturbées par des troubles. « Le retard dans l’élection sénégalaise a ajouté de l’incertitude dans la région », est-il écrit dans le rapport du FMI.
Une croissance de 3,8 %
« Plus généralement, nous observons que l’instabilité politique autour des élections n’entraîne pas seulement des coûts macroéconomiques, mais déclenche des ajustements budgétaires au détriment de l’investissement public », analyse aussi ce rapport régional, qui pointe les risques de changements brutaux de politiques publiques induits par les élections. Mme Pattillo appelle les autorités à « être vigilantes face à certaines pressions et à maintenir le cap sur le programme de réformes ».
Le FMI se dit d’autant plus en alerte sur la question que la période actuelle « est critique pour l’ajustement budgétaire, en raison des niveaux élevés d’endettement et de la nécessité de lever des capitaux afin de financer les dépenses de développement », selon la directrice adjointe. La croissance en Afrique subsaharienne devrait atteindre 3,8 % cette année, « soit un rythme bien inférieur à ce que l’on a connu avant la pandémie », relève-t-elle, qualifiant la reprise économique de « tiède et coûteuse ».
« Se financer est très difficile et coûteux, et de nombreux Etats font face à des échéances importantes de remboursement de dette », affirme-t-elle. Confrontés à la hausse des taux d’intérêt, ces deux dernières années, par les banques centrales à travers la planète, les Etats africains doivent payer davantage pour financer leurs emprunts. Les aides au développement vers l’Afrique ont par ailleurs augmenté de 2 % l’an dernier, selon des statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiées mi-avril, mais elles avaient ralenti de 11 % une année auparavant.