Comme pour le scrutin européen du 9 juin, les élections législatives se tiendront dans des conditions très difficiles en Nouvelle-Calédonie, les 30 juin et 7 juillet. Les autorités ont annoncé, vendredi 28 juin, l’interdiction des rassemblements ce week-end et la prolongation du couvre-feu jusqu’au 8 juillet.
Le territoire continue de sombrer, après l’éclatement de l’insurrection indépendantiste le 13 mai. Dans l’indifférence des Français de l’Hexagone, menacés pourtant de « guerre civile », selon les mots du président de la République, Emmanuel Macron, qui estime, dans le podcast « Génération Do It Yourself », lundi 24 juin, que les programmes du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national à l’Assemblée nationale y mènent. Les Calédoniens sont, eux, déjà aspirés dans un conflit fratricide entre Européens et Kanak dont nul ne voit d’issue positive.
Où et quand un territoire de la République a-t-il échoué à assurer durant sept semaines la sécurité de 280 000 habitants, l’équivalent d’une ville comme Strasbourg ? Où et quand la France a-t-elle laissé un de ses aéroports internationaux inopérant, et une région perdre d’un coup le quart de ses emplois ? Nulle part dans la période contemporaine, hormis en Nouvelle-Calédonie.
Une dernière digue
Les violences, comme les manifestations indépendantistes pacifiques qu’elles ont éclipsées, n’ont pas cessé depuis sept semaines. La tension a même repris de la vigueur avec le transfèrement en détention provisoire dans l’Hexagone, le 23 juin, de sept responsables de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), un mois pile après le déplacement improvisé d’Emmanuel Macron à Nouméa. Le 23 mai, le chef de l’Etat exigeait la levée des barrages et donnait un mois aux acteurs politiques locaux pour renouer le dialogue, condition pour reparler de son projet de loi contesté sur la réforme du corps électoral.
La situation a continué d’empirer. Au point que, face au risque que des citoyens commencent à s’entretuer, sur un territoire où chacun est armé, la relative retenue des deux camps – neuf morts sont à déplorer – apparaît comme la dernière digue d’une société calédonienne métissée et attachée à son « vivre ensemble ». Depuis le 13 mai, 3 000 véhicules incendiés servant de chicanes sur les barrages ont été déblayés, 1 520 personnes interpellées (115 déférées), 200 maisons pillées. Officiellement, 800 entreprises ont demandé à bénéficier du chômage partiel pour 10 000 salariés en raison des exactions subies.
Dans le Grand Nouméa, le soulèvement des pierres contre « l’Etat colonial » a débordé les appareils politiques indépendantistes. Le 26 juin, sur la radio loyaliste RRB, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis le Franc, évoquait ainsi les barrages des Kanak : « Ceux qui les construisent viennent principalement des squats. Les barrages sont piégés de bouteilles de gaz ou de ferraille et sont désormais systématiquement enflammés avec des cocktails Molotov. Les émeutiers n’hésitent plus à venir au contact des forces de l’ordre. Ils ont de 18 à 30 ans, ne sont pas réellement coordonnés, opèrent chaque nuit sur une dizaine de lieux, ce qui oblige [policiers et gendarmes] à des manœuvres d’effectifs permanentes. »
Il vous reste 63.43% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.