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Au lycée français d’Accra, aborder la question de l’homosexualité sème la discorde dans l’établissement

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Le courriel envoyé collectivement début avril par des parents d’élèves du lycée français Jacques-Prévert d’Accra, la capitale du Ghana, à la direction de l’établissement est sans nuance : « Nous demandons à l’administration de l’école de revoir et de réviser les supports partagés avec les élèves et de s’assurer qu’ils sont en accord avec les lois locales et les sensibilités religieuses et culturelles », intiment-ils dans cet e-mail dont Le Monde Afrique a pris connaissance.

En cause, une œuvre, étudiée en classe de CM2 : Le Journal de grosse patate. Une pièce de théâtre qui traite des discriminations à l’école, écrite par Dominique Richard et présente sur la liste officielle des recommandations du ministère français de l’éducation nationale. Une phrase, en particulier, pose problème aux auteurs du courrier : « Rémi m’a confié aujourd’hui qu’il était amoureux d’Hubert. »

Le livre a par la suite été retiré de la bibliothèque scolaire et l’établissement envisagerait même de procéder à un tri élargi à l’ensemble des ouvrages traitant de l’homosexualité, selon plusieurs témoignages anonymes reçus par Le Monde Afrique.

Lors d’une réunion en présence de certains parents d’élèves, organisée le vendredi 26 avril, la direction aurait alors évoqué une faute de l’enseignante. Cette dernière aurait mal utilisé l’ouvrage en question et la possibilité de mettre un terme au contrat de l’enseignante aurait même été abordée. Contactées au sujet de ces allégations, ni la direction, ni la représentation syndicale de l’établissement n’ont donné suite aux sollicitations du Monde Afrique.

Les relations homosexuelles punies par la loi

« Je ne suis pas tant inquiète vis-à-vis de l’éducation de mes enfants, nous avons des discussions très ouvertes avec eux, rapporte toutefois anonymement un parent d’élèves qui se dit opposé à la décision de la direction. Ce que je crains, c’est comment d’autres élèves pourraient percevoir mes enfants en fonction de ce qu’ils disent sur le sujet. »

Le lycée français d’Accra est pourtant tenu de suivre le programme scolaire français. Son homologation auprès de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) en dépend. Dans le cycle 3 du programme scolaire, comprenant la classe de CM2, est notamment indiqué que les élèves doivent « acquérir les valeurs de la République (…). S’en déduisent la solidarité, l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que le refus de toutes les formes de discriminations ».

Une obligation qu’a rappelé la direction elle-même. Dans un e-mail adressé aux parents d’élèves, daté du vendredi 26 avril, la proviseure de l’établissement Catherine Daeur indique ainsi que « les enseignements mis en œuvre dans l’établissement doivent correspondre au programme de l’éducation nationale française ». Avant d’ajouter la nécessité de « prendre en compte le contexte local », sans pour autant préciser la manière de le faire lorsqu’il s’agit d’aborder en classe la question de l’homosexualité.

Le lycée français d’Accra enseigne en effet dans un pays où les relations homosexuelles sont punies par la loi, depuis 1961. Une législation durcie le 28 février par l’adoption de la loi dite des « droits sexuels humains et des valeurs de la famille ».

Ce texte prévoit notamment des peines allant de 3 à 10 ans d’emprisonnement pour toute personne identifiée comme membre ou défendant les droits de la communauté LGBT+ au Ghana. La loi, en attente de promulgation par le président Nana Akufo-Addo, fait actuellement l’objet de deux recours auprès de la Cour suprême pour non-respect de la Constitution.

Ce n’est pas la première fois que la question de l’éducation aux droits des personnes homosexuelles pose problème dans les établissements français de l’étranger. En mai 2023, au Maroc, une enseignante de l’école française avait fait l’objet d’une plainte déposée devant la justice par des parents d’élèves pour « apologie de l’homosexualité ».

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